Après une première escale sur la rive orientale du Nil à Memphis, où la peur de faire une mauvaise rencontre me retint cloîtrée dans ma cabine, nous fîmes halte à Dahchour puis à Héracléopolis, sur la rive occidentale.
Du ponton, j'admirai les pyramides de Dahchour, surgies telles des figures diaboliques du désert stérile, immensité de solitude ensablée, de collines et de vallées sans oasis, de crêtes montagneuses et de terres brûlées. Semblables à de monstrueuses dents, l'une rouge et l'autre rhomboïdale, les deux pyramides de Snefrou croquaient le ciel avec voracité. Si l'on comparait les deux colossales canines à l'incisive martelée, que l'on appelait la pyramide noire, cette dernière faisait bien piètre figure avec son profil bossu. Pourtant, il suffisait d'entrevoir son pyramidion de granit et sa belle robe de brique crue pour succomber aux charmes trompeurs de la dernière demeure d' Amenemhat III. À Héracléopolis, " Vénus " et son oncle, à force de supplications, m'entraînèrent hors de la dahabia et nous furetâmes sur le marché à la recherche de fruits et d'étoffes.
Le soir, dans ma cabine, je restaurai le masque funéraire. Je n'avais jamais vu pareille pièce
. Peint sur bois à partir d'une mixture de cire et de pigments de couleur, le portrait était d'une ressemblance frappante, non avec la momie défigurée par le temps, à qui j'étais bien incapable de donner un visage, mais avec un parfait inconnu dont les traits rapportés avec soin apparaissaient avec une précision stupéfiante.
. Au verso, dans un rectangle doré en relief, je trouvai gravé en grec le nom du défunt. Je déchiffrai l'inscription sans difficulté, le grec m'étant bien plus familier que le copte : Mατθαίος, soit Matthios. Le défunt portait vraisemblablement le prénom Matthieu.
Qui se cache derrière Matthieu, dont seul le portrait est resté intact ?