- Je vous mets un avertissement Mademoiselle et vous devriez me remercier. Vous méritiez la faute grave !
- Merci Monsieur.
- Non, mais on n’a jamais vu ça. Frapper les clients, je rêve ! D’un coup de poing en plus.
- On m’a appris à me défendre, c’est tout.
- Heureusement pour vous, le client n’a pas porté plainte.
- Normal, c’est lui qui était en tort.
- Arrêtez avec cet argument stupide, je vous prie. Si chaque fois qu’un de nos vendeurs voyait un client utiliser son iPhone, il le tabassait, le Bon Marché ne serait plus un magasin mais un ring de boxe géant.
- Je m’en fous, c’est pour vous. Si vous n’en avez rien à faire de l’espionnage industriel ou de votre e-réputation, tant pis pour vous !
- Mademoiselle, je crains bien que vous n’ayez un peu trop d’imagination.
- C’est vous qui en manquez peut-être. Qui sait ? Peut-être en ce moment même il y a une vidéo qui tourne en ce moment sur le net et c’est le buzz sur Twitter… Attention, vendeuses méchantes au BM !
- Vous aggravez votre cas, mademoiselle. Si ça ne tenait qu’avec moi, avec votre insolence et votre sauvagerie, je vous aurais depuis longtemps virée ! Mais vous êtes protégée… Je n’ai pas envie de me mettre à dos tous les syndicalistes. J’espère que vous savez qui vous devez remercier.
- Oui, merci.
Je pars, bredouille. Je sais qui je dois remercier : Josiane, ma marraine. Une vieille vendeuse syndiquée qui s’est prise d’affection pour moi le premier jour et m’a prise sous son aile. Elle m’a ainsi fait accorder un casier, privilège rare pour toute vendeuse de moins d’un an d’expérience. Et aujourd’hui, elle m’a évité d’être virée.
Un avertissement, je m’en fous. Ce n’est pas ce qui m’attriste. Ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi j’en suis venue à frapper un homme qui me plaisait et auquel je plaisais. Par quel montage tordu mon esprit m’a fait croire que j’étais la victime d’une blague inventée entre deux amis ? Qu’est-ce que j’en avais à foutre ? De quoi avais-je si peur pour démolir aussi rapidement mon propre désir ?