AZACAMAPOL LA PETITE FABRIQUE D'ECRITURE
Pénombre dans la salle
Rideaux noirs
Murs noirs
Un projecteur, voilé,
Révèle ou cache,
On ne sait trop…
« La lune blanche luit dans les bois »
Ce vers de Verlaine
Devenu un ruban de mots
Répété à l’envi
Résonne en moi.
Je le fais glisser
Je le retiens
Il s’insinue dans chacune de mes cellules
Je le dirige à volonté
Je le visualise, écrit de différentes couleurs
Pour en décrypter les images
Pour en ressentir les forces cachées
Les accords et les antagonismes
Car les couleurs révèlent les mots
Les transforment et les domptent
Dans ce laboratoire de perceptions
Que sont devenus, mon corps,
Mon souffle et mon esprit
Unis par la volonté de maîtriser l’interprétation
Suivant mon intuition créatrice,
Je dirige le ruban des mots
Je le visualise dans mon bras
Dans ma main tendue dans l’espace
Il se déroule
S’écoule dans l’air
Suivi par ma voix qui dit mon ressenti.
Dans le silence
J’observe alors un point sur le mur d’en face
Je le veux attirant
Irrésistible
Je dirige alors par la pensée
Mon ruban de mots sur ce point
Je le vois traverser l’espace
Pénétrer le mur
Y trouver sa place
Se lover dans la pierre
S’enfoncer, se dilater ou se rétrécir
Selon ma volonté
Et du silence explorateur
Tout en mot pensés
Un son
Venu du plus profond de moi
Sourde soudain pour évoquer l’action.
Ce son porte les mots
Sans qu’ils soient dits
Bien qu’il les exprime avec force
« La lune blanche luit dans les bois »
Le mur absorbe ce ruban
Renouvelé par la répétition mentale du vers
Sa lueur se teinte de toutes les nuances
Mon corps vibrant s’en imprègne
Le ruban des mots se renouvelle sans cesse
Et disparaît, avalé par le mur
Les mots se libèrent
J’avance, bras tendu
Ma main attirée par le mur m’emporte
Mon corps, comme en apesanteur, traverse l’espace
Quand enfin elle se pose
La phrase ruban
Quitte ma paume palpitante
Pour se glisser dans la pierre
Ma voix parcourt mon bras et sort par ma main
Elle pénètre dans ce mur tant espéré
Retrouve le chemin
Se love dans la pierre
S’enfonce, se dilate ou se rétrécit
Jusqu’à ce qu’insensiblement
Vivant l’osmose
Je m’y sente à ma place
« La lune blanche luit dans les bois »
Ainsi j’acquiers, par l’harmonie,
La maîtrise, indispensable à toute interprétation,
De ces trois éléments essentiels
Que sont le corps, le souffle et l’esprit
Quand s’allumeront les projecteurs
J’entrerai en scène
Riche de cette expérience
De m’être fondue dans le mur
Pour en ressortir dans la lumière.
©Adamante
Ce texte s’inspire d’expériences d’ateliers autour d’un exercice ayant pour but de développer, sensibilité, concentration et maîtrise de soi. Cet exercice est sans doute un des plus représentatif de ma méthode.
Dessin S. Ortéga