Trouble

Publié le 14 février 2011 par Addiction2010

« Tout va bien. Grâce à Dieu ». Ce ne sont que quelques mots, dans un message à peine plus long et pourtant ils ont provoqué mon trouble. La première partie m’a réjoui car je sais d’où vient celle qui m’a adressé cela, d’une vie qu’elle qualifiait de repoussante et il est vrai qu’elle avait tout d’une aventure sordide puisque celle qui m’écrivait hier n’est autre que la femme que j’ai nommée Raphaëlle. Nous n’avons plus guère de contacts aujourd’hui, depuis plusieurs mois. Je sais que sa vie a changé, qu’elle s’est sortie de ce qui nous avait réuni, même si quelques indices m’ont fait craindre que ce ne soit qu’une illusion.

« Tout va bien » n’a rien de troublant. « Grâce à Dieu » me perturbe. Ah… Dieu… Je lui parle, ou plutôt je lui crie parfois ma douleur, mes reproches aussi. Est-ce que je crois en lui pour autant. Je n’en sais rien. Quand la raison calme le cœur, je suis certain qu’il n’y a ni dieu ni au-delà. D’autres jours, quand le cœur bat trop fort, quand il s’emporte, quand il est près de s’arrêter, je vois Dieu et lui parle. C’est un après-midi du mois d’août dernier. La pluie m’a entraîné sur la Montagne Sainte Geneviève et je redescends vers la Seine. Je ne m’en rends pas compte mais mes pas me guident vers Notre-Dame où la foule est dense, car aux touristes de l’été se mêlent quelques croyants qui, parce que c’est la veille du 15 août voudraient prier. A l’approche de la cathédrale, je suis pris de tremblements, il me faut entrer. Mais la file est longue. Je m’assieds comme je peux devant la porte, je continue de trembler, je ne sais pas pourquoi. Je dois entrer, je me glisse dans la file. Je cherche un prêtre, j’ai besoin que l’on m’explique ce qui m’arrive. Je n’en trouve pas. Je pense à Jean-Louis, copain d’école, homme de Dieu aujourd’hui. Vingt ans que je ne l’ai pas vu et c’est vers lui que ma pensée va. Mais cette église est vide de prêtre. Je tremble toujours. Je me résous à m’asseoir sur l’une de ces chaises qui font face au chœur où une croix est éclairée. Mes yeux sont embués. A cet instant précis, me foi est puissante. Je parle à Dieu. Je lui fais des reproches, c’est un cri intérieur. « Pourquoi abandonnes tu tes enfants ? ». J’évoque mes soucis rapidement mais c’est à « elle » que je pense, elle qui est déjà Raphaëlle sur le papier mais c’est son vrai nom que j’indique à Dieu, c’est sa vie « repoussante » que je lui reproche, je lui demande, non je lui donne l’ordre de la sortir de là, parce que j’ai vu le cœur qui se cachait sous les oripeaux de Marie-Madeleine moi aussi.

Ce jour là, quand je suis sorti de Notre-Dame, je suis allé au marché aux fleurs et j’ai trouvé une orchidée assez peu chère pour que je puisse la lui offrir. Je l’ai retrouvée un peu plus tard. Nous n’étions plus amants depuis un moment déjà mais nous continuions à nous voir de temps en temps. Je sais bien que cette relation amicale doit sembler invraisemblable mais elle a été. Si je raconte cela, c’est juste pour dire que je lui ai dit, à elle, ce qui m’était arrivé à Notre-Dame. Elle m’a juste répondu « c’est bien ». Nous n’en avons plus parlé.

Et puis hier, j’ai reçu ce message qui se terminait par « Grâce à Dieu ». Je suis troublé. Mon instant de foi a-t-il pu avoir cette influence. La raison me dit bien sûr que c’est le hasard, que sa vie avait déjà basculé du bon côté. Il n’empêche que le trouble est là. Je n’ai pas trouvé de prêtre à Notre-Dame. Quelques jours plus tard, j’en ai rencontré un, dans une autre église, qui m’a affirmé que Dieu m’avait accordé une grâce, que je devais en être heureux et lire la Bible. Je n’étais guère convaincu. J’avais besoin d’autres mots. C’est Jean-Louis qui me les a donnés quand j’ai enfin pu le rencontrer, lui. Sa foi m’a ébranlé. Il m’a expliqué tout ce que je voulais savoir avant même que je lui dise pourquoi j’avais tant besoin de le voir. Et quand je lui ai parlé de Notre-Dame, il m’a juste dit que cela avait un nom, que c’était une « motion du Saint-Esprit ». Le temps a passé, d’autres soucis sont venus reprendre le dessus. La foi s’est éloignée.

Jusqu’à hier, jusqu’à ce « grâce à Dieu ». Elle n’a pas gagné, la foi, mais elle a trouvé un chemin.