Que reste-t-il de tout cela ? De cette histoire qui navigua du sordide au merveilleux et que j’ai racontée, trop ou pas assez transformée dans ce qui fut la raison de ce blog. L’histoire qui fut d’amour parfois est terminée depuis des mois. Elle l’était déjà, mais les plaies étaient ouvertes, quand j’ai écrit et commencé à le publier ici, ce roman qui la reprend en la trahissant par moments. Les blessures sont moins vives, elles reprennent parfois, plus par ce qu’elles ont causées que par ce qui les a faites. Il nous est arrivé de nous envoyer des nouvelles, de nous parler même, mais de loin. Je sais que sa vie est rentrée dans la norme, quand la mienne s’en éloignait de plus en plus. Elle me dit qu’elle est heureuse, je veux la croire.
Que reste-t-il, donc ? Quelques souvenirs de moments où l’amour fut sincère, partagé et intense, rares moments. Quelques regrets sans doute de n’avoir pas su, pas voulu, la rejoindre quand elle me le demandait, et le soulagement de ne l’avoir pas fait quand j’imagine ce que seraient nos vies si nous avions été au bout de ce rêve. Quelques remords aussi à propos de ce que nous avons fait parfois, de ce que j’ai fait, mais il est trop tard pour cela. Il m’arrive de me demander si je l’ai vraiment aimée, mais il reste une immense tendresse. Qu’avons-nous fait pour en arriver là ? Elle ne sait probablement pas ce qu’elle m’a apporté. Certes, ce ne furent que quelques semaines de rêve et d’illusion, quand nous nous retrouvions pour simplement rester ensemble, sans toujours entrer dans sa chambre, sans fermer les rideaux. Nous avions besoin de nous évader des enfers où nous nous trouvions chacun de notre côté. Jusqu’au jour où cela ne fut plus assez, où elle comprit avant moi que jamais je n’aurais le courage, ou la folie, de vraiment être à elle. Mais elle m’a fait tourner une page. C’est ce que j’ai trop maladroitement raconté.
Que reste-t-il, vraiment ? Ces mots que j’ai besoin d’écrire. C’est elle qui m’a montré ses petites histoires qu’elle écrivait, le cahier ancien où bien avant de me connaître elle notait, souvent dans une langue approximative, ce qu’elle avait envie de dire. C’est elle qui m’a amené à lui dire que moi aussi j’aimais cela, écrire, alors que depuis bien longtemps j’y avais renoncé. Je lui ai proposé d’écrire avec elle, nous n’avons jamais été très loin. C’est dommage, cela nous rassemblait plus que nos jeux dans son lit, où pourtant j’ai lu ses histoires, où elle me les a lues. Et j’ai écrit seul. Un journal d’abord, puis j’ai voulu reprendre notre histoire sous la forme d’un roman : je sentais que cela ne nous menait nulle part, j’avais le sentiment qu’elle m’avait sauvé d’une obsession que je combattais depuis si longtemps, il me fallait l’écrire. Le journal a continué, il s’est interrompu, a repris et s’est arrêté quand enfin j’ai compris que tout était fini, que plus jamais je ne la tiendrais contre moi, tendrement, que plus jamais je ne l’embrasserais en amant. Je n’aime plus le roman, je ne l’ai jamais aimé en réalité mais il s’était emparé de moi. Il ne raconte qu’une toute petite partie de l’histoire et pourtant je me suis noyé dans les détails, parce que c’était trop présent, parce que le prisme de l’amour déformait tout. Je pourrais aujourd’hui reprendre cela, mais je n’en ai plus l’énergie.
Ce n’est pas grave, car ce qui reste, c’est ce besoin de prendre les mots, de les utiliser pour rendre le monde moins dur. Elle m’a fait ce cadeau, et je l’aimerai toujours, tendrement, comme on chérit l’ombre d’un amour.