Ph., G.AdC
exil
il reste à se souvenir du chemin
il reste à retrouver le passage
il reste à s’attacher de ces temps d’ici, calmes
quitte à perdre sa voix
mais je reste, échappée
un voile s’est déchiré depuis longtemps, il prend, calme
et me laisse en suspens
le désir de départ évanoui
englué de brouillard
reste une vibration sourde et ces temps d’ici, calmes
il ne fait pas vraiment nuit
c’est-à-dire pas vraiment
il fait semblant de jour
c’est-à-dire je me perds
c’est-à-dire ne pas dire
quitte à perdre la voix
il reste que je reste
avec un visage sans bouche
sans pourtant reconnaître le tranquille du temps
car il ne se peut pas
car il ne se peut plus, sans bouche
voix décentrée
sans…
sang
jusqu’au vide
Brigitte Mouchel, événements du paysage, éditions Isabelle Sauvage, 2010, pp. 65-66.
Une « poétique du monde » que les quatorze « tableaux » du recueil événements du paysage de Brigitte Mouchel (née en 1959), poète et plasticienne. Par petites touches et/ou par collages, celle-ci procède par déboîtements – bégaiements – de la langue. Une langue du quotidien au service d’images qui s’entrechoquent sans perdre leur fluidité. Chacun de ces tableaux est animé d’une vraie présence : un sujet, ici maintenant, riche, même si souvent amputé de son passé, voire de son avenir ; inscrit dans un paysage, à entendre tout autant dans l’acception d’un espace mental que d’un paysage intérieur.
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