Hier, un courriel se glisse parmi deux pourriels et deux autres courriels qui sont des fichiers pour une brochure que je monte. Dans une liste de courriels, rien ne différencie les importants, les intéressants de ceux qui iront à la poubelle sans autre regard.
L’objet « révision finale » ne me dit rien à première vue, le nom de l’envoyeur ne trouve pas mes neurones d’intelligence ou de mémoire très rapidement. Faut dire qu’il ne m’écrit pas tous les jours. Le temps de glisser les courriels importants vers mon dossier « à garder », le temps de supprimer les pourriels indésirables, mon esprit se réveille enfin : c’est le directeur littéraire de Vents d’Ouest où sera publié mon roman. Où ai-je la tête? Il m’envoie les corrections effectuées par la réviseure.
Ah! Allons, réveille, allume, c’est ton roman, pas celui de la voisine!
Contrairement à Dominic Bellavance, je me contente de deux étapes. J’imprime le courriel sans le lire à l’écran. Neuf observations qui tiennent en une seule page. Soulagement. Ça veut dire que tout le reste est bien? L’éditeur ne me renvoie pas les corrections de la réviseure? Comment m’améliorer alors? Je veux connaître mes fautes, même si ce ne sont que des coquilles, des inversions de lettre. Pas d’anglicismes? Pas de participes passés mal accordés? Ça ne se peut pas.
Les neuf observations ne me font pas dire de gros mots, ne me choquent pas. Ce sont de judicieuses observations, du genre : je parle de trois enfants à une page et de quatre quelques pages plus loin, il est question de sa chambre qui est au rez-de-chaussée alors qu’elle monte se coucher au premier, une répétition oubliée, et une liasse d’argent récupérée alors que le monsieur ne reçoit aucun salaire pour son travail. Elle a l’œil la linguiste, bravo! Un métier que je ne pourrais pas faire si je ne suis pas foutue d'avoir vu ce genre d'erreurs.
Je ne peux pas dire que ça se règle en deux minutes, ça me prend plutôt deux heures. Il faut que je cherche la page, que je trouve la ligne, que je vérifie, que je relise, que je réfléchisse comment je vais régler le problème, puis pour trouver la page suivante, je ne dois pas corriger sur mon manuscrit, donc corrige, copie et colle dans un nouveau dossier, sans changer l’original.
Deux heures plus tard, j’envoie les corrections (pas le nouveau manuscrit eh non, seulement les corrections, c’est le monteur qui va transférer les modifications, bizarre!)
C’est tout. Suis-je contente? Ai-je un cœur? Il me semble qu’il ne bat pas plus vite. Vraiment, en comparaison avec Lucille ou Sylvie, je suis de marbre.
On dirait que c’est le livre de quelqu’un d’autre. Quand réaliserai-je? Impression de passer à côté de ma vie d’auteure. Comme si ce n’était pas plus important que le souper que je vais préparer. Comme si ça ne m’intéressait pas. Un travail à faire, rien de plus! L’hiver m’a gelé le cerveau, je pense.