La Musique de Minuit (9) – par Aurélie

Publié le 18 février 2011 par Routedenuit

Minuit, cette heure où l’on n’est plus vraiment aujourd’hui, et pas encore tout à fait demain.

Tu sais, quand les plus grandes colères et les plus gros chagrins hurlent en silence, au creux d’un lit ou sur une piste de danse. Imbibée d’alcool, entourée de mecs aussi beaux que malveillants; l’œil aguicheur, mes lèvres ourlées de rouge viennent embrasser le tourbillon de la fête. Alors que je me souhaiterais à jeun, seule à seule avec mon mac, des mots et une musique.

Tapie dans ma chambre, le corps en fœtus et le cœur en vrac,  je repense aussi inlassablement que douloureusement à ce garçon que j’ai aimé au- delà de la raison, en toute conscience, mais sans autre alternative possible. Fabulatrice que je suis, je mets présentement ces phrases au passé, comme pour mieux composer avec ses maux qui sont un peu devenus les miens.

À cette différence près qu’ils sont adoucis par un acharnement sans faille dans ma résilience.

Minuit, cette heure où il n’y a plus lieu de se mentir ou de faire semblant de rire. Tu sais, quand il ôtait ses lunettes et son second degré attisé, je le revois comme si c’était avant-hier. Son front appuyé sur les placards de la cuisine, touillant une casserole de ravioli, se demandant quel était le sens de tout ça.

À quelques centimètres de moi, alors aussi cramponnée à cette histoire chancelante qu’à la porte attenante.

Je m’entends encore lui répondre des banalités encore plus affligeantes que la réalité, pour tenter de le rattraper, tout du moins le hisser hors de cette  torpeur aussi irraisonnée qu’incontrôlable.

On peut bien observer l’eau de cuisson des pâtes encore plus longtemps qu’al dente, on n’y saura pas plus qu’est- ce qu’on fait là et pourquoi.

Minuit, cette heure où ses questions existentielles venaient perturber mon sommeil, tandis qu’exténué d’anxiété, il se reposait enfin. Tu sais, je repoussais l’échéance mais je la sentais pertinemment venir, la fin. Dans l’obscurité, je me forçais à retenir chacun de ses traits tourmentés, les contours de ses lignes endormies, puisque je le savais déjà: il ne changerait pas.

Ma lumière tamisée trop aveuglante à ses yeux, c’était couru d’avance qu’il finirait par s’enfuir. Alors, en toute logique, j’ai tout donné, j’ai rien lâché. Et j’ai perdu. Les illusions, l’amour- propre, la confiance. Lui? C’est pas bien malin, mais à force de vouloir le sauver, c’est moi qui ai perdu pied.

Minuit, cette heure où les masques de cynisme tombent, amers mélanges de nos peines, d’intelligence et de sensibilités exacerbées. Tu sais, comme une interlude, une parenthèse éphémère qui laisse place à la vérité, dans un monde où la dérision sauve autant qu’elle détruit.

Minuit, cette heure où je m’attarde parfois, sans attente d’amour, dans un appartement qui ne serait pas le mien. Tu sais, parce qu’à l’aurore, même si ce n’est pas dans tes bras, j’aurai toujours l’espoir de découvrir un ciel rose.  Quel que soit l’horizon sous ma paupière close, quel que soit l’homme brumeux que j’abandonne.

Ces nuits blanches sont à l’image de mes journées colorées: pleines de réveils insoupçonnés.

Comme des promesses de clarté.

Minuit, midi, tu vois, il est pourtant pas si compliqué, le sens de la vie.

La Musique de Minuit par Aurélie

Je ne connais pas très bien Aurélie, mais je sais qu’elle est montée dans la voiture depuis longtemps. Pendant un temps, elle a fait un peu la même chose que la Musique de Minuit sur son blog, mais avec les lieux – les lieux vers lesquels on aime revenir, pourquoi et comment. J’aime bien ce qu’elle fait, et puis j’aime bien Radiohead, aussi.

Crédits photos : Nicolas Marguerie