Jeudi, j’ai regardé la finale de Comme un chef, le Top chef ou le Masterchef à la belge, une fois. Clair qu’on ne peut nier que la prod et les participants sont belges, vu les accents parfois à couper au couteau. C’est ce qui fait notre charme non ? On sent aussi que les moyens sont limités, ici pas de repas à préparer pour l’équipage d’un bateau de la marine, pour des journalistes de magazine féminin ou à Venise, nan. Mais les restos qui accueillent les aspirants chef feraient baver même une limace au régime.
Soudain, Michel s’exprime. Et quand Michel s’exprime, c’est souvent folklorique. Mais son enthousiasme délirant supplante souvent ses chtites fautes de français.
Et donc, Michel s’exprime, et résume l’aventure en quelques mots : « Tout a été génial ».
Puis il se reprend : « Oups, pardon, géniaux, tout a été géniaux ».
Puis il hésite, sans doute face aux mimiques du cameraman ou du journaliste qu’il a face à lui : « C’est pas comme ça qu’on dit ? géniaux ? génial ? »
Et il conclut : « Tout a été génial ».
Le pire c’est qu’ils ont cru bon de diffuser ce lapsus à deux reprises, des fois que les téléspectateurs n’auraient pas totalement suivi, histoire d’enfoncer le clou quoi. Me dites pas qu’ils auraient pas pu refaire une prise, non mais. Vilains pas beaux va.
Ensuite, je zappe sur France 2 pour y zieuter la fin d’Envoyé spécial (pluriel : envoyés spécials / spéciaux / spéciales ?). C’est le début que je voulais voir, avec les arnaqueurs du net en Côte d’Ivoire, mais j’ai oublié. Tant pis, je regarderai la fin, sur cette française accusée de kidnapping au Mexique, si mes souvenirs sont bons.
Je regarde.
Et la présentatrice de conclure, après le reportage « Le transfèrement ne sera pas facile à accepter par le Mexique », ou un truc du genre, je n’ai pas retiendu l’entièrement l’entièreté de sa phrase, car je me suis arrêtée à « transfèrement ».
Oups, ça se dit ça, transfèrement ? Jamais entendu de ma courte vie ce mot. Moi je dis transfération (private joke en hommage à mes collègues, à qui j’ai sorti cette Anaïssade « transfèrement, zimaginez, c’est transfération qu’on dit, non mais », et qui m’ont prise au sérieux, les folles guêpes). Ou transfert, à la rigueur.
Je m’endors sur cette interrogation.
Et le lendemain, vérification, après long débat au bureau.
Il s’avère que transfèrement existe bel et bien. Dingue comme les journalistes de France 2 se la pètent avec leurs mots savants.
Que dit le dico ? Le dico dit :
« Transfèrement, subst. masc. a) Le fait de transférer une personne d'un lieu de détention dans un autre. Synon. plus usuel transfert. Festus (...) croyait, par ce renvoi (...) faire une chose agréable aux Juifs, qui lui demandaient avec tant d'instances le transfèrement du prisonnier (Renan, St-Paul, 1869, p. 542). b) Déplacement (d'une chose). Synon. translation. Il avait acquis des terrains à Florence; et une partie de ces terrains lui était achetée 250.000 francs pour le percement d'un boulevard, quand le transfèrement de la capitale du royaume d'Italie de Florence à Rome a fait abandonner le projet (Goncourt, Journal, 1875, p. 37). − [tʀɑ̃sfεʀmɑ̃]. Ac. 1878: transférement; 1935: -fè-. − 1re attest. 1704 (Trév.); de transférer, suff. -ment1*. »
A noter le « plus usuel transfert », quand je vous disais qu’ils se la pétaient à France 2. Passque bon, moi, au temps des exemples de la définition qui précède, ben j’étais pas née…
Bilan de cette soirée, me vlà beaucoup moins blonde :
- j’ai appris l’existence des transfèrements
- j’ai compris que génial se dit géniaux au pluriel