Magazine Journal intime

La monnaie de sa pièce

Publié le 26 janvier 2008 par Mirabelle
Mon cher Victor, undefined Comme je te le disais l'autre jour, je reprends peu à peu goût à ma liberté de célibataire toute neuve, ayant rangé tous les souvenirs de ma première véritable histoire d'amour dans une petite boîte. C'est drôle, ce changement. Il s'est opéré en moi si brutalement... Il a suffi d'une prise de conscience, une seule, d'une bonne gifle, pour que je décide de jeter mes mouchoirs et de me tourner vers l'avenir au lieu de caresser mes doux rêves de passé. Cela fait plus d'une semaine, maintenant, que j'apprends à vivre sans lui, et j'avoue que je m'étonne tous les jours du courage dont je suis capable. Il vaut mieux cela que le contraire, n'est-ce pas ! Tant mieux si tu parviens à tirer un trait sur cette histoire... Tu as bien raison de te prendre en main et de cesser de pleurer, car lui, de toute façon, ne se privera pas d'oublier ! Et puis tu vois bien que l'oubli est inévitable...
Oui. J'ai eu du mal à l'accepter. Parce que je ne voulais pas oublier, moi. Jusqu'à ce que je m'aperçoive que je n'avais plus le choix. Alors j'ai décidé, comme ça, un dimanche soir, d'arrêter de penser à lui. Et j'y arrive. De mieux en mieux. Et je ne regrette pas ma décision. Pourtant... Je me disais aussi que tout ne pouvait pas être aussi parfait ! J'ai encore la colère. La colère ? Quand on me parle de lui (ce qui arrive de plus en plus rarement... Et un jour, plus personne ne me parlera de lui... Comme si nous n'avions jamais rien été l'un pour l'autre), j'ai la colère. Une colère, qui, en revanche, ne s'en va pas. C'est tout ce qui me reste. La colère, d'accord, mais par rapport à quoi ? Je lui en veux.
Je lui en veux d'avoir voulu prendre le risque de me perdre. Je lui en veux d'avoir gâché notre histoire alors qu'on aurait pu s'accrocher encore un petit peu. Je lui en veux de n'avoir pas fait un seul petit effort, un tout petit effort pour y croire encore. Je lui en veux d'avoir attendu que je fuis pour se demander s'il ne faisait pas une erreur. J'ai attendu plus de deux mois et demi. C'est long, deux mois et demi, quand on est dans l'incertitude, quand on attend un signe, un geste, quand on rêve qu'il revient et qu'il continue, inlassablement, d'affirmer qu'il ne sait toujours pas. C'est long et c'est dur. Je lui en veux de ne pas s'en être rendu compte. Cette colère contre lui ne part pas. Je lui en veux d'être parvenu à m'ôter tout espoir et à réduire mes rêves à néant. Je lui en veux de m'avoir laissée l'oublier. Je lui en veux d'avoir été aussi lâche et surtout de m'avoir autant déçue. Parce qu'il m'a déçue. Parce que je pensais que quatre ans d'amour valaient bien mieux que deux mois et demi d'attente. Je pensais que nous deux, ça méritait plus de foi.
Je n'ai plus que ça, la colère. Comme si toute ma peine s'était transformée. J'avoue que je préfère être en colère. Parce que quand je suis en colère, je suis forte, sûre de moi, qu'alors je ne regrette rien, ni personne. Surtout pas lui. Et heureusement que je ne le verrais plus jamais. Car si je l'avais, là, en face de moi, alors je lui dirais tout ce que je viens de te dire, combien il m'a déçue, combien son amour pour moi était fragile au fond, combien je lui en veux d'avoir abandonné aussi facilement, de s'être arrangé pour que je rende les armes. Si je l'avais là, en face de moi, je lui dirais combien je trouve hypocrite d'appeler pour demander des nouvelles, alors que rien n'est rattrapable, alors que nous ne sommes plus amants et que nous ne serons jamais des amis. Je lui en veux d'avoir été malheureux au moment où moi, je me relève. Je lui en veux d'avoir tenu des propos incohérents, sans logique, contradictoires. Je lui en veux d'avoir entretenu le doute et de m'avoir laissée partir.
Je lui en veux d'avoir brisé mon rêve. Et je voudrais qu'il regarde. Je voudrais qu'il ait là, en face de lui, juste sous ses yeux, la preuve que je vis très bien sans lui, pour qu'il sache qu'il a tout gâché et qu'il m'a perdue, pour de bon cette fois. Que c'est trop tard. Bien trop tard. J'avais pourtant passé mon temps à le lui crier. Il m'avait dit : "Eh bien, Mirabelle, qu'est-ce que tu veux que je te dise ? Si tu veux passer autre chose, passe à autre chose...". Comme si cela n'avait pas d'importance. Même... Comme s'il n'attendait que ça, depuis le début. Cette phrase, je ne l'ai jamais oubliée. Par contre, lui n'en a aucun souvenir. Je lui en veux pour ça aussi. Je lui en veux de revenir vers moi, des larmes plein la voix. Je lui en veux parce qu'au fond, ce n'est pas de l'amour... C'est juste de l'orgueil mal placé. L'orgueil d'un mec qui ne supporte pas de constater que sa nana, inconsolable il y a encore quelques jours, vit finalement très bien sans lui. L'orgueil d'un mec qui veut se rendre inoubliable. Oh, il le sera, c'est sûr. Mais a-t-il idée du souvenir que je garderai de lui ? A-t-il au moins pensé à ça ?
Il m'a déçue. Il a été lâche. Et prévisible. Il m'a déçue. Si, par hasard, il vient lire ses lignes, alors je ne m'en voudrais pas de briser ses illusions, comme il a brisé les miennes : n'aies pas peur, je ne t'oublierai pas. Mais j'aurai la sensation d'avoir investi bien plus dans notre histoire que cela n'en valait la peine.

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