Je le vois arriver comme une trombe sur moi. Il me regarde fixement, qu’est-ce qu’il me cherche encore celui-là ? Je tombe des nues quand il me sort :
- Je suis désolé pour le bébé.
- Pardon ? Le quoi ?
- Le bébé ?
Flash back. Comment ai-je pu l’oublier ? Le beau conducteur du métro… Il faut dire qu’il s’est passé tellement de choses depuis…
- Ah oui, Kader, c’est ça ? Excusez-moi, je ne m’attendais pas à vous voir ici.
Apparemment ce n’est pas la réponse qu’il attend. J’ai envie qu’on me foute la paix. Voilà, je suis tout juste bonne à me faire poursuivre par des conducteurs de métro. Voilà, ce qu’est ma vie, cette fange misérable, un feuilleton à peine digne de Zola. Alors, de guerre lasse, je lui dis la vérité :
- Ah, le bébé, oui, excusez-moi. Oh, c’était juste une blague, vous savez.
Etrangement, il n’a pas l’air choqué et continue à me regarder de ses yeux humides et compatissants. Peut-être s’imagine-t-il que c’est une manière élégante pour moi de dissimuler une fausse couche. Tant mieux, je n’ai envie de rendre compte à personne aujourd’hui. J’attaque, je mords pour qu’il déguerpisse au plus vite et me laisse vaquer à mes mornes pensées.
- Bon, et quoi ? Et maintenant ? Vous vouliez me voir dans mon univers de travail ? Et bien, voilà ! Excitant, n’est-ce pas ? Vous n’avez rien de mieux à faire dans la vie, Vous voulez une bougie ? Feu de bois, c’est parfait, non ? Ca pourrait mettre le feu à votre cabine et à votre ennui.
- Non, je voulais juste vous inviter à déjeuner. Vous êtes libre ce midi ?
- Oui.
- Très bien. Votre pause est à quelle heure ?
- 13h.
- Ok, à tout à l’heure.