HEARTSONG
A bird sings from the tree. The birds sing
sending waves of desire and I stand on my roof
waiting for a randomness to storm my days. I stand on my roof
filled with the longing that sings its way out of the bird.
And I am afraid that my call will break me,
that the cry blocked by my tongue will pronounce me mad.
O bird mad with longing. O balancing bar,
tight rope, monkey grunting from a roof. Fortunate bird.
I stand on my roof and wave centuries of desire.
I am the Bedouin pondering the abandoned campsite
licking the ashes of the night fire; the American walking
walking miles of dresses, blouses, and skirts
filling them with infinite lovers,
the mystic feeling the pull swirling in his chest,
a desert of purpose expanding and burning and yellowing
every shade of green. And I stand on my roof.
And I say come like a stranger, like a feather
falling on an old woman's shoulder, like a hawk
that comes to feed from her hands, come like a mystery,
like sunlight rain, a blessing, a bus falling off a bridge,
come like a deserting soldier, a murderer chased by law,
like a girl prostitute escaping her pimp, come like a lost horse,
like a dog dying of thirst, come love, come ragged and melancholy
like the last day on earth, come like a sigh from a sick man,
come like a whisper, like a bump on the road, like a flood,
a dam breaking, turbines falling from the sky,
come love like the stench of a swamp, a barrage of light
filling a blind girl's eye, come like a memory
convulsing the body into sobs, like a carcass floating on a stream,
come like a vision come love like a crushing need,
come like an afterthought. Heart song. Heart song.
The pole smashes and the live wires yellow streaks
on the lush grass. Come look and let me wonder.
Someone. So many. The sound of footsteps, horses and cars.
Come look and let me wonder. I stand on my roof
echoing the bird's song: Do not sleep. Do not sleep
now that you have housed your longing
within the pain of words.
Khaled Mattawa, Amorisco, Ausable Press, New York City, 2008, pp. 10-11.
CHANT DU CŒUR
Dans l’arbre j’entends un oiseau. L’éther est désir
quand chantent les oiseaux et moi, debout sur ma terrasse,
j’offre mes jours aux tornades du hasard. Debout sur ma terrasse
je suis gavé de cette faim qui part dans le chant de l’oiseau.
Et j’ai peur que mon cri ne me brise,
Que le cri que retient ma langue aille décréter ma folie.
Ô oiseau affamé de désir, Ô trapèze volant,
corde raide, et singe qui grogne sur un toit. Oiseau, tu as de la chance.
Debout sur ma terrasse mes ailes sont siècles de désir.
Je suis le Bédouin sur les restes du campement
qui étale les cendres du feu de la nuit ; l’Américain
qui marche sur des kilomètres tendus de robes, corsages et jupes
qu’il emplit d'amours sans fin,
le mystique dont la poitrine va s’arracher dans un tourbillon,
un désert d’intentions qui gagne et qui brûle,
où tout vert devient jaune. Et moi, sur ma terrasse je suis là.
Et je dis : viens en inconnue, en plume
qui se poserait sur l’épaule d’une vieille, en faucon
descendu lui manger dans la main, viens en mystère
en pluie ensoleillée, en don de Dieu, en autocar qui tomberait
d’un pont, viens en déserteur, en assassin pourchassé,
en putain qui fuirait son mac, viens en cheval égaré,
en chien mourant de soif ; viens mon amour, viens en guenilles
et triste comme un dernier jour sur terre, viens en soupir de malade,
viens en murmure, en cahot sur la route, en déluge,
en barrage qui cède, en turbines qui tomberaient du ciel,
viens amour dans une puanteur de marécage, en barrage de lumière
qui tient l’œil d'une aveugle, viens en souvenir
à tordre le corps de sanglots, en cadavre au fil de l'eau,
viens en vision, viens amour en besoin incoercible,
en esprit de l’escalier. Chant du cœur. Chant du cœur.
Le poteau s’abat et les fils étirent leur jaune électricité
sur le riche gazon. Viens voir et laisse-moi m'étonner.
Seul. Ou légion. J’entends des pas, des chevaux, des voitures.
Viens voir et laisse-moi m’étonner. Debout sur ma terrasse,
j’ai réponse au chant de l'oiseau : Ne dors pas. Ne dors pas :
toi qui viens de loger ta faim
dans la douleur de dire.
Khaled Mattawa, Amorisco, in revue littéraire Europe n° 906, octobre 2004. Traduit de l’anglais par Jean Migrenne.
KHALED MATTAWA
Source
■ Voir aussi ▼
→ (sur A Web del Sol) plusieurs pages consacrées au poète libyen Khaled Mattawa (+ une notice bio-bibliographique)
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