Lauren Oliver
Hachette Jeunesse
Collection Black Moon
Traduit de l'anglais (USA) par Alice Delarbre
Paru en Janvier 2011
452 pages
18 euros
Roman ados dès 13 ans
Thèmes : Société, Amour, Dystopie/ Anticipation
Quatrième de couverture : Lena vit dans un monde où l’amour est considéré comme le plus grand des maux.Un monde où tous les adultes de 18 ans subissent une opération du cerveau pour en être guéris. A quelques mois de subir à son tour « la Procédure », Lena fait une rencontre inattendue… Peu à peu elle découvre l’amour et comprend, comme sa mère avant elle, qu’il n’y a pas de plus grande liberté que laisser parler ses sentiments. Même si cela implique de quitter ses certitudes… " Ils prétendent qu’en guérissant de l’amour nous serons heureux et à l’abri du danger éternellement. Je les ai toujours crus. Jusqu’à maintenant. Maintenant, tout a changé. Maintenant, je préférerais être contaminée par l’amour ne serait-ce qu’une seconde plutôt que vivre un siècle étouffée par ce mensonge. "
A propos de l'auteur : Titulaire d’un diplôme de philosophie et de littérature à l’université de Chicago, Lauren Oliver a ensuite suivi une formation en arts à l’université de New York. Elle a brièvement travaillé comme assistante d’édition chez un éditeur new-yorkais, avant de se consacrer entièrement à l’écriture.
Magdalena est dans l'attente de son opération "Le Protocole", lobotomie partielle du cerveau pratiquée à l'âge de 18 ans, pour éviter aux jeunes gens de tomber amoureux. Nerveuse, inquiète elle refuse de suivre le même sort tragique que sa mère, morte à cause de la maladie. Morte parce qu'elle a été contaminée. L'"amor deliria nervosa" est le pire fléau de la société. Des mesures drastiques ont été prises par le Gouvernement et sont inscrites dans le Livre des Trois S : Sûreté, Santé, Satisfaction. Une société dans laquelle règne la sécurité et où les gens sont contrôlés. Si vous êtes jugés "amoureux" vous êtes immédiatement enfermés car cette maladie est contagieuse. L'Amour est-elle une maladie ? C'est ce que Lena ne cesse de réfléchir. Depuis son plus jeune âge, de nombreux exemples dramatiques lui confirme le danger qu'elle court. Il y a eu une guerre, puis le Gouvernement, pour le bien de tous, a instauré cette loi. Lena est impatiente. Elle veut subir l'opération au plus vite et être enfin soulagée de ce mal. Elle ne veut surtout pas être une Invalide et être rejetée de sa société ou pire enfermée dans une cellule. Pourtant elle repense aux mots de sa mère "Je t'aime. Souviens-toi. Ils ne peuvent pas nous enlever ça" comme un puissant leitmotiv qui vrille ses pensées et lui met le doute...ou plutôt l'espoir.
Une héroïne qui naît et a vécu dans un univers où les règles sont fixées et inviolables. Un monde tenu pour dit où les choses semblent acquises et ne doivent pas être contestées. On ne sait pas si ce monde est vérité ou mensonge. Ce que l'on sait c'est qu'il fonctionne sur l'autorité et sur un régime totalitaire. Dans Delirium, la société est prédéterminée. Personne ne fait de choix, on subit le Protocole et tout le monde est heureux. C'est pour le bien-être et la satisfaction de vivre avec un partenaire choisit par des scientifiques. C'est infaillible. Après l'opération, la société vous dit avec qui vous vivrez, combien vous aurez d'enfants et quel métier vous ferez. Il n'y a pas de place pour les sentiments, et l'amour est chaos. Ennemi du bonheur, ce verbe est le grand fléau des trois S. Cette société, contre-utopie moderne est froide et totalement déshumanisée. Il faut se protéger contre ce qui fait le plus mal : les sentiments, être amoureux car dès lors vous êtes vulnérables.
Lauren Oliver a réussi un sacré coup de maître en prenant pour intrigue une chose aussi banale et quotidienne que l'amour. Ce qu'elle écrit est parfaitement plausible. L'amour fait mal et la manière dont elle établit une liste précise et rigoureuse des symptômes est troublante. Qui n'a jamais souffert par amour ? L'amour, une maladie ? OUI, OUI. C'est fort et en même temps d'une simplicité à couper le souffle. On se demande pourquoi cette idée n'a pas été décrite bien avant. Et l'intrigue marche. Elle plonge le lecteur dans ce questionnement grâce à des extraits avant chaque chapitre qui distillent puissamment un univers inventé avec brio. Comptines, extraits de manuels scientifiques, extraits de règlement, extraits bibliques et de livre d'histoire...tout ces détails nous permettent d'imaginer à la perfection cette société. Cette lecture palpitante m'a rappelé deux autres romans jeunesse La Déclaration et Uglies, qui sous des angles différents nous placent également dans le même schéma narratif. Une héroïne, adolescente va ouvrir les yeux sur le mensonge dans lequel elle a toujours vécu et ce grâce à un jeune homme qui fait partie du camp adverse autrement dit du camp des révoltés, des opprimés mais pas des plus faibles.
Emotions, actions, rebondissements et réflexion font de ce roman un coup de coeur. C'est à la fois un roman jeunesse, un roman d'apprentissage et un roman philosophique. Pour le vivre intensément et profiter de ses effets il faut baisser ses défenses et accepter que l'amour est source de maux, physiques et psychologiques. Il faut se laisser emporter par les pensées de Lena et découvrir avec elle les vices cachés d'une telle société destructrice des libertés fondamentales de l'être humain. Liberté d'aimer, de s'exprimer et de choisir. Lena va choisir. Delirium n'est certainement pas un roman pour midinettes en mal de romantisme. Ca non! C'est bien plus fort, bien plus profond et les passages de ce livre font écho à nos vécus, à nos sentiments. Oui l'amour nous rend vulnérable, oui il a des effets secondaires comme la boule au ventre et le coeur qui se serre mais l'amour est bon et nécessaire. Emballée par Delirium, je n'ai qu'une seule hâte lire "Le dernier jour de ma vie" (prévu le 6 avril 2011) car je vous le dis, la fin m'a scotchée et émue.
"Maman, maman, aide-moi à retrouver la maison,
Je suis perdue dans les bois, sans compagnon,
J'ai croisé un loup-garou, vilaine bête barbue,
Il a montré les crocs pour me dévorer toute crue.
Maman, maman, aide-moi à retrouver la maison,
Je suis perdue dans les bois, sans compagnon,
J'ai été attaquée par un vampire, vieux filou,
Il a montré les crocs pour les planter dans mon cou.
Maman, maman, borde-moi,
Je suis à demi morte, je ne rentrerai pas,
J'ai rencontré un Invalide, et il m'a eue, le beau parleur,
Il a montré son sourire, et s'est jeté sur mon coeur."
"L'enfant perdue", Comptines et contes populaires, réunis par Cory Levinson
Un immense merci à Cécile pour l'envoi surprise
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