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Eloge du conflit, de Miguel Benasayag et Angélique Del Rey, éditions La découverte (extrait) 2

Publié le 25 février 2011 par Xavierlaine081

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Nous sommes celles et ceux qui étaient censés vivre des lendemains qui allaient chanter, et la question que nous commençons à nous poser n'est même plus, à vrai dire, celle de savoir “par où sortira le soleil”, mais si, un jour, tout simplement, le soleil est sorti pour quelqu'un…

Mais il sort pourtant tous les jours, et il se couche pour tous, même pour celles et ceux qui ne l'ont pas vu sortir, chaque fin de journée, de dure journée, sans espoir ni promesse pour l'énorme majorité de nos contemporains. Le soleil sortira, il est en train de sortir, il est en train de se coucher. la pensée héraclitéenne du conflit nous dit qu'obscurité et lumière se succèdent, éternellement. Elle nous dit qu'il faut guetter par où le soleil est en train de sortir, mais qu'il ne faut pas trop s'effrayer quand il se couche. Pour celles et ceux qui, peut-être, vivront des époques plus lumineuses que la nôtre, qu'ils sachent que la lumière ne leur est pas due, que l'ombre guette, qu'à une époque lumineuse succède une époque obscure, et qu'ombre et lumière font partie du même devenir, du conflit. Qu'ils sachent que le conflit détermine toutes choses et que le refouler, loin de le faire disparaître, nous conduit vers un processus de déréalisation du monde et des liens. L'éloge du conflit, loin de célébrer l'affrontement, affirme pour nous le principe même de toute émergence du nouveau, de toute création.

Si lumières et ombres se succèdent, le défi ne peut être de désirer vivre dans une autre époque, mais de parvenir à créer, lutter, penser, résister, bref vivre pour et par une époque obscure. Joie et tristesse ne dépendent pas d'une époque particulière. la joie émerge de la possibilité d'assumer l'époque. Mais, dira-t-on, à quoi bon lutter, à quoi bon résister si la rédemption, la solution finale des problèmes, ce moment messianique qui devait “couper l'histoire en deux” n'arrive jamais? Il est vrai qu'en continuant à résister, à créer, à vivre, nous rencontrons une autre menace, celle de la dispersion. Et nous devons alors savoir comment contruire concrètement des multiplicités agencées qui n'aillent plus s'échouer dans des projets de centralisation, sans se perdre pour autant dans la dispersion.


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