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L'ici devenu

Publié le 25 février 2011 par Cecileportier

 

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Hier, j'allais prendre le métro pour rejoindre cette amie. Il y avait celui-là en haut des marches qui vendait des jonquilles dans une boite en carton, je suis passée devant. Et puis au milieu de l'escalier, je me suis arrêtée, hésitante, je suis bien restée le temps de compter jusqu'à 20 comme ça, à descendre une marche, la remonter, avant de rebrousser chemin, et aller l'acheter, ce bouquet de jonquilles. Pour mon amie. Pourquoi j'hésitais? Mon amie est de toutes les fleurs, mais le pavot lui va mieux, et moi, à ses anniversaires, je lui offre une rose bleue, de celles que proposent les fleuristes peu regardants, car c'est l'encre qui leur donne cette couleur impossible.

Pendant tout le chemin du métro, ensuite, j'avais la chanson de Marinette dans la tête, Brassens qui se moquait de moi ainsi tâchée d'un jaune trop vif dans le gris du métro ("avec mon p'tit bouquet j'avais l'air d'un con, ma mère..."). Mais mon amie n'est pas Marinette.

On s'est retrouvées, on s'est embrassées, on a marché ensemble vers le restaurant, avec toujours ce même décalage de rythme, moi mon pas pressé, et elle, retenant l'espace comme un élastique qu'elle tend pour que ses paroles aillent plus loin. A propos de quoi, je ne sais plus du tout, elle m'a cité cette phrase dont elle me dit qu'elle l'accompagne depuis longtemps, cette phrase que je n'ai pas du tout comprise, sans doute la faim, et quelque chose d'hermétique qui m'a découragée comme le font les rébus. Je n'y ai plus pensé.

En mangeant, nous avons parlé de tant de choses, d'une amitié déçue qu'elle avait sur le coeur, d'une autre qu'elle écoute et retranscrit, celle d'Aimé Césaire et Wilfredo Lam, de cette phrase dans Cahier d'un retour au pays natal : "accepte, accepte, accepte", de la graphie de la signature, comme altération nécessaire de l'écriture pour en préserver l'intégrité. Et puis elle m'a demandé, et toi, tes projets? J'ai raconté. Et puis je lui ai montré cette photo, prise sur le chemin pour aller la voir, parce que ça disait mieux que mes mots le véritable point où j'ai l'impression d'être, cette fureur du démontage, les reflets, comme des leurres, qui font qu'on ne sait plus ce qui est dehors, ce qui est dedans. En réponse, elle m'a raconté un très beau conte.

En sortant du restaurant, je me suis souvenue de cette phrase qu'elle m'avait dite, et enfin je l'ai entendue :

L'ailleurs de l'ailleurs est l'ici devenu.

Ca valait bien un bouquet de jonquilles.


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