" Je vais faire un poème sur la guerre. Ce ne sera peut-être pas un vrai poème, mais ce sera sur une vraie guerre.
Visible, nous le verrions, le poète; voyant, il nous verrait; et nous pâlirions dans nos pauvres ombres, nous lui en
voudrions d'être si réel, nous les malingres, nous les gênés, nous les tout-chose.
Il serait ici, plein à craquer des mille tonnerres de la multitude des ennemis qu'il contient — car il les contient, et les
contente quand il veut — incandescent de douleur et de sacrée colère, et pourtant tranquille comme un artificier, dans le grand silence il ouvrirait un petit robinet, le tout petit robinet du
moulin à paroles, et par là nous lâcherait un poème, un tel poème qu'on en deviendrait vert.
Ce que je vais faire ne sera pas un vrai poème poétique de poète, car si le mot « guerre » était dit dans un vrai poème —
alors la guerre, la vraie guerre dont parlerait le vrai poète, la guerre sans merci, la guerre sans compromis s'allumerait définitivement dans le dedans de nos coeurs. "