Une porte cochère, un interphone. Et au fond d’une belle et vaste cour comme je n’en avais jamais vue à Paris, une petite porte. La Loge.
La première partie avait donné le ton. Seul sur scène, Patrick "The Accident" Biyik s’amusait, et avec talent. Guitare en main, pédale aux pieds, désormais les concerts solo peuvent être symphoniques.
Après la pause, une demoiselle que j’avais saluée par hasard en arrivant s’est installée sur scène. Elle ressemblait à Elise Costa, petit moineau au sourire malin et timide, rouge aux lèvres et aux joues. Ses gestes étaient encore un peu raides sur la première chanson, puis son pied gauche s’est vengé sur la pédale de boucles, nous n’étions là que depuis trois minutes et le concert a décollé, et la salle avec. Elle chantait en anglais – effet collatéral de sa timidité, sans doute, mais elle chantait sans imiter personne, et dans chaque chanson il se passait quelque chose – dans la mélodie, dans les textes, dans la voix ou l’énergie, souvent dans les quatre.
Je me suis amusé à imaginer que nous avions devant nous une déjà-grande et ça collait, d’ailleurs parfois elle l’était vraiment, grande - il suffit parfois d’une mimique pour occuper une scène.
Puis la demoiselle moineau s’est raidie à nouveau. Une nouvelle chanson, annonça-t-elle d’une toute petite voix en s’asseyant au piano.
Une première.
Sa main droite crispée sur l’octave, des premiers rangs on voyait ses doigts trembler entre le pouce et l’auriculaire qui s’écartelaient sur des octaves qui semblaient trop grands. Une grimace à chaque petite imperfection, elle n’était plus en concert mais en audition, dans la salle on s’échangeait des ondes de bienveillance, beaucoup comme moi ne connaissaient pas la demoiselle mais nous étions avec elle, et du piano montaient des notes qui en transporteront quelques-uns quand tout roulera pour elles. Un dernier rictus et ses mains tremblantes ont quitté le piano. Plus encore que les fois précédentes, la salle l’a applaudie, il y avait là du bravo, du merci et un peu plus que ça aussi. Un petit moment de flottement et la fin fut parfaite. Les rappels aussi. Et le reste.
C’était une belle soirée.
La demoiselle s’appelle Mesparrow. Elle est ici.