Le lundi est le jour de toutes les tentations. Ce jour là, il suffirait de l’appeler. Elle répondrait, je l’entendrais. Mais que lui dire ? Que je ne l’ai pas crue quand elle disait que tout avait changé dans sa vie, qu’elle avait déménagé. Mais pourtant, elle répond toujours à ce téléphone, et je sais qu’il est toujours là où je l’ai connu. Son nom est toujours écrit au bas de cet escalier de bois, ni vermoulu ni vernis, un peu raide, assez pour que je garde le souvenir de son souffle court ces rares fois où je l’ai attendue chez elle.
Le lundi pourrait être notre jour si un nous existait, si un nous avait jamais existé. Que fait-elle, où est-elle, quand je pense à elle ? Seule dans cette chambre qu’elle n’aimait pas, seule dans un lit qui n’est défait que pour elle ? Ou alors, si elle dit vrai, ailleurs. Ailleurs où elle aura passé la nuit blottie contre un autre qu’elle aime, et qui l’aime. Mon affection pour elle devrait me faire espérer cette vérité. Hélas, d’autres rêves refusent de me laisser. Hélas, d’autres signes me montrent que ce n’est pas cela, pas seulement cela. Je sais bien pourtant qu’elle n’a pas de place pour moi dans sa vie. Mais c’est lundi, il suffirait de presque rien.
Encore quelques heures et ce jour où nous pourrions nous rejoindre, comme autrefois, juste rester ensemble, assis sagement, ou moins tranquilles, s’en ira, jusqu’à la semaine prochaine. Il faut tenir et ne pas encore la chercher, ne pas l’appeler pour n’oser parler.
Alors, au lieu de lui parler, j’écris ce qui pourrait être, ce qui ne peut et ne doit pas être. Ce ne sont que quelques mots, vains, inutiles, mais, pour un instant, ils me font revivre des jours que je croyais plus heureux qu’il n’étaient et dont j’ai une nostalgie d’autant plus forte que je sais maintenant qu’il est inutile de tourner cette page, puisqu’elle a disparu depuis longtemps.