Je déteste les journées internationales. On en fait pour tout et rien : le diabète, la sauvegarde des marmottes en milieu aqueux, le don d’organe, les chauves, le cancer de la prostate (to be continued). Et les femmes. Tout ça dans une espèce d’hypocrisie parfaitement assumée. Je n’ai rien contre le fait d’organiser des happenings pour sensibiliser à telle ou telle cause – bien au contraire – mais le fait qu’on mette sur le même plan la femme et les pandas albinos m’apparaît légèrement absurde. Tout comme le fait d’organiser une journée de l’homme, parce que l’homme serait devenu, avec le temps, une petite créature sans défense dont on viole quotidiennement le pré carré à grands coups de bonnets de soutien-gorge et de congés maternité.
Le problème ici vient du fait qu’il faut se battre contre l’Histoire. Contre cette espèce d’hydre fantomatique qui a consacré un statut post- Seconde Guerre Mondiale de la femme, celui de cette bonne mère astreinte aux usines d’armement dont la seule rémunération fut celle d’être « une bonne patriote digne d’être payée en bons points ». Il ne faut néanmoins pas se méprendre. Pas plus tard que cette semaine, l’Union Européenne a insisté pour que les femmes paient les mêmes cotisations d’assurances que les hommes. « Ouai chouette, l’égalité, tout ça. » aurait-on pu se dire. Quelqu’un a t-il seulement pensé au fait que les femmes ne touchent pas franchement les mêmes salaires que les hommes, même dans notre merveilleuse civilisation occidentalo-altruiste qu’est l’Europe – et que les statistiques d’espérance de vie, de dépenses de santé et d’accident de la route ne justifient pas cette décision ? Et que par conséquent, c’est quand même un peu une grosse connerie que de passer son temps à mettre la charue avant les boeufs ou mieux, pas de charue du tout. Alors loin de moi l’idée de tomber dans un féminisme primaire et idéologique (qui à mon sens est au moins aussi absurde que cette journée). Mais loin de moi l’idée de penser que la situation actuelle est un état de fait fatal et convenable. On pourrait alors bien sûr dresser une longue liste d’inégalités légèrement révoltantes. On pourrait. Mais je ne suis pas sûr que ça serve à grand chose. Et que ça fasse vraiment avancer quoique ce soit.
Je déteste les journées internationales. Toujours est-il que j’ai fait avec les moyens du bord. J’ai fait une playlist avec des femmes dedans. Que des femmes. Des fortes, des battantes, des téméraires, des douces, des tendres, des écorchées. D’Anne Gastinel à PJ Harvey, en passant par Beth Gibbons et Nina Simone, il y a des mères, des filles, des grands-mères. De plus ou moins tous les continents. Je les écoute en ce moment, et je me dis que ce qui ferait un peu de bien à cet univers de dingues, c’est un peu d’humilité. Je ferai sûrement la même avec des hommes, un de ces jours. Juste pour être sûr qu’il y a bien un endroit dans lequel tous les sexes se battent avec les mêmes armes.
La playlist est écoutable sur Deezer et Spotify (avec quelques variations selon les catalogues).