Jean-Louis Kuffer, dans L’enfant prodigue, évoque l’enfance, les êtres rencontrés et évanouis, le temps qui fait et défait. Et le bonheur d’être en vie.
Ce qui est bien, avec Jean-Louis Kuffer, c’est que quand on s’assied en face de lui à une table du Café Romand pour parler de son dernier livre – L’enfant prodigue - on parle un peu de son livre, bien sûr, mais surtout d’autre chose. De la vie, de l’enfance, des amitiés, des écrivains, des éditeurs, des vivants et des morts, de l’amour, du corps, des émotions les plus vives, de l’Italie, des traces de renard qui traversent la neige, et voilà qu’une heure et demie plus tard on est toujours là, assis, avec l’impression d’être un peu plus cultivé, d’avoir marché sur un sentier agréable au cœur d’un jardin fertile.
A cette table du Romand j’ai commencé par dire à Jean-Louis Kuffer qu’il m’avait fallu du temps pour entrer dans son livre. Une cinquantaine de pages un peu compliquées, difficiles, tissées de phrases que je devais parfois relire pour en saisir le sens. Il l’a entendu, tout en étant surpris car lui-même pensait que le premier quart de son livre en était la partie la plus limpide, la plus accessible. Je lui ai expliqué que le déclic était survenu quand je m’étais mis à lire pour moi-même quelques pages à haute voix. Que dès ce moment j’avais aimé son livre, sa mélodie, son atmosphère. Je lui ai dit aussi que j’aurais aimé que ce livre aux longues phrases qui tournent, riches en répétitions qui rythment la pensée et cernent l’idée, oui j’aurais aimé que ce livre dure encore, ce que je n’aurais jamais imaginé quand j’en subissais les premières pages.
Peut-être, dans le fond, cet ouvrage est-il à l’image de JLK: un peu à part. Jean-Louis est-il d’abord l’écrivain qui de temps en temps publie un livre, ou est-il le journaliste dont les textes, dans 24 heures et sur son blog, saluent, expliquent avec finesse la littérature tout en orientant et en instruisant le lecteur? Et pourquoi son écriture n’est-elle pas la même dans ses articles et dans ses livres?
Y a-t-il donc deux JLK? Il m’a expliqué: «Un livre relève de l’écriture nocturne, axée sur le subconscient, éventuellement le délirant, alors qu’un article dans une rubrique culturelle, littéraire, est du domaine diurne, avec un réel souci journalistique d’être compris, d’informer le lecteur.»
Il n’y a donc qu’un JLK. Qui confie avoir écrit ce livre «comme un petit testament, pour rendre à la vie si précieuse et si belle tout ce qu’elle m’a donné. Ce livre est un livre d’amour et de reconnaissance. Mais les livres sont faits par nous tous, en amont et en aval.»
C’est aussi un livre sur l’enfance et les enfants. À ce propos, l’auteur, qui est père de deux filles retient, à presque 64 ans, que «c’est à la naissance de mon premier enfant que j’ai pris conscience d’être mortel.»
Demain matin à l’aube, comme chaque jour, Jean-Louis Kuffer se mettra à écrire. Car écrire, c’est sa vie. Et écrire sur sa vie, fouiller sa mémoire, pour JLK, c’est nous inviter à l’entendre, à nous asseoir avec lui. Il a tant de choses .à dire. »