Tout doux

 

« Tout doux je referme la porte, peut-être on se verra plus jamais ». Ainsi Julos finissait-il ses concerts dans les années soixante-dix. Et je ne sais si cela a changé, il y a tellement longtemps que je me contente de sa voix en conserve. Il y a tellement longtemps que je me contente de toutes les voix en conserve…

« Tout doux je referme la porte, peut-être on se verra plus jamais ». C’est ce que je lui ai écrit hier soir. Pas avec ces mots là, pas avec cette petite musique qui me trotte dans la tête ce matin, je ne sais pourquoi. Le lira-t-elle ? Le comprendra-t-elle ? J’avais gardé l’espoir de retrouvailles, d’un printemps au sortir d’un rude hiver. J’aurais dû savoir que certaines fleurs ne s’ouvrent qu’une seule saison et que celle là avait été de celles que les fleuristes gavent de colorant pour les rendre moins banales. Je l’ai vue sans fard et sans artifice, j’ai vu son corps nu, j’ai aussi vu son âme toute dépouillée.

« Tout doux je referme la porte, peut-être on se verra plus jamais ». Je ne t’ai dit « je t’aime » qu’au moment où tu ne l’attendais plus. Tu l’avais déjà refermée cette porte qui ne fut jamais qu’entrouverte. M’as-tu vraiment pardonné de n’avoir pas vu ce que tu m’offrais, d’avoir voulu te garder quand seule ma folie désespérée me faisait croire encore à cet amour.

« Tout doux je referme la porte, peut-être on se verra plus jamais ».