Il faut pourtant que cela chante
Je ne puis pas n’être qu’un cri
Cette chose en moi violente
Y cherche une faille, une fente
Où passe la mutinerie
Cela me mord à même l’âme
Et me terrasse le sanglot
Cela me brûle sans la flamme
Cela me faut à chaque pâme
Ce mal ne trouve pas de mots
A peine si le cœur fait plainte
Si le rang se permet le bruit
Comme un étranglement de crainte
Comme une cendre mal éteinte
Un bois qui travaille la nuit
Comment voulez-vous que je vive
Par les vents en vain traversé
Les ruisseaux parlent à leurs rives
Il est permis que les captives
Pleurent du moins le ciel passé
Je sens monter à mon visage
Une pourpre de l’incendie
Je suis assiégé d’images
Qui quêtent musique et langage
Et la splendeur du malheur dit
Donner moi le chant des fontaines,
Murcie où sont les soirs si doux
Mayorque et les îles lointaines
Avec leur barques incertaines
Les barages de vert Cordoues
Le pré d'argent auprès de ces villes
larmoisent autour d'Alméria
et les monts comme un jeu de quille
Sur les collines de jonquilles
d'où Grenade s'agenouilla
Ce pays de mille couronnes
Où le marbre est peint du Coran
La terre à l'homme s'abandonne
et fait lever des anémones
Sur les pas bleus des conquérants
Un monde à mourir se décide
Les paons dans la cour aux lions
Courent criant comme au suicide
La fin du royaume Nasrid
Et leur fausse rébellion
Ecoutez, pleurez en vous même
Les histoires du temps passé
Le grain terrible qu'elles sèment
Mûrit de poème en poème
Les révoltes recommencées.