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Centquatrevingttreize

Publié le 13 mars 2011 par Rafetnol
B.O.S.T.
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CENTQUATREVINGTTREIZEQuand j'étais petite, je passais les vacances d'été dans le château familial. C'était une énorme bâtisse construite sur un terre-plein rocailleux, couvert d'herbes folles, de bruyère et de pins parasols, qui dominait une falaise surplombant l'océan Atlantique, sur la côte sud du Finistère. Un chemin tortillait du bout du terrain jusqu'à une petite crique où nous passions nos journées entre cousins à jouer aux pirates ou aux mousquetaires, selon le film que nous avions vu la veille. On s'écorchait les pieds sur les rochers saillants qui affleuraient sous le sable et on frétillait de dégoût sitôt qu'une des nombreuses algues qui envahissaient la petite plage, nous frôlait malgré nos manoeuvres pour les éviter. Pour ne pas nous faire mal, nous étions obligés de porter des sandales en plastique qui meurtrissaient nos pieds bien plus que les rochers.CENTQUATREVINGTTREIZEParfois, nous descendions sur notre petite plage sans les parents pour nous surveiller. Alors nos grandes cousines étaient mandatées pour être les yeux et les oreilles de l'autorité mais jamais cette autorité ne s'exerçait réellement : les grandes cousines pas plus que nous ne supportaient ces sandales en plastiques et c'est les pieds nus que nous nous prenions alors pour Barbe Noire ou d'Artagnan, laissant les représentantes de l'ordre se plonger dans un roman à l'eau de rose ou d'épouvante. Sauf Benjamin, le plus jeune d'entre nous, qui faisait toujours ce qu'on lui disait et ne se risquait jamais à ôter ces chaussures de plastique.CENTQUATREVINGTTREIZELa nuit, ces grandes cousines qui avaient toute la confiance de nos parents nous terrorisaient avec des histoires de monstres marins, de vampires ou encore de fantômes - ces derniers formidablement en accord avec le lieu de nos vacances - et je garde de ces soirées des souvenirs aussi lumineux qu'empreints de nostalgie, même s'il arrivait que nos nuits soient ponctuées de cauchemars atroces renforcés par les ronflements de nos tontons dans les chambres attenantes. Nous étions une telle cousinade rassemblée dans ces murs qu'il devenait impossible de distinguer ses parents de ses oncles et tantes ainsi les hommes devenaient des tontons et les femmes des tatas.CENTQUATREVINGTTREIZEUn après-midi de l'été de mes dix ans, alors que nous étions descendus sur la plage avec les grandes, nous jouions aux trois mousquetaires. Filles et garçons mélangés, nous avions organisé  une grande bataille au milieu des rochers entre mousquetaires du Roy et mousquetaires du Cardinal. Mon cousin Benjamin a dérapé ce jour là, sa sandale a glissé sur l'arête d'un rocher et il s'est ouvert l'arrière du crâne sur l'arête d'un autre. Il est mort sur le coup. C'était il y a vingt ans aujourd'hui. Oui, j'en ai trente et j'emmène mes enfants retrouver leurs cousins sur la même plage de cette même bâtisse. Et jamais ils ne portent de ces fichues sandales.
****B.O.S.T. :Dessins :
  1. La Turballe
  2. La Turballe
  3. Dinard
  4. Toulouse

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