Il est des disques qui sont faits pour être écoutés à trois heures du matin, dans une chambre d’hôtel, à l’autre bout du monde. Ce troisième disques des américains d’Arms and Sleepers est de ceux-là, sans aucun doute. Morceaux choisis…
Crash dégage une forme de sérénité oppressante. Oppressante parce quand sans le savoir, le piège vient déjà de se refermer. On entend Arvo Pärt, et pourtant ce n’est pas lui. La nuit tombe, mes yeux s’habituent doucement à cette pénombre accueillante, pleine de promesses, dans laquelle se dessinent déjà de légers contrastes. Ma chambre n’est plus si familière. C’est un autre endroit que le piano m’invite à découvrir.
Lisbon. Les premières percussions de l’album et le synthé amorcent un double-discours subtil alors qu’émergent les premières angoisses. Il n’y a personne dehors, la fenêtre mal fermée grince de façon régulière. La nuit est vide. Comme ma tête. La vie est courte. A-t-on seulement le temps de dormir ?
Lovers Arctic. Satie. Même aptitude à fixer ce qui passe dans l’instant. Corde raide. Cette flûte chinoise qui ne l’est pas joue un jeu équilibriste. On dirait une voix, un râle tout en vibrato. Premier fantôme.
Clayton. La fenêtre grince toujours. Il faudrait la fermer mais ce ne serait plus la même chose. Il ne fait plus vraiment nuit. Je vois en nuances de gris. Je ne sais pas où cette harpe m’emmène. Je pense à Sufjan Stevens, à l’intro de John Wayne Gacy Jr. Il se dégage la même sécurité, la même confiance. Il n’y a pas de silences entre les notes pour éviter les ravages d’un vide qui serait bien trop anxiogène à ce moment-là de la nuit.
Nova. Une grande forêt de chênes, pleine lune. Une course poursuite à la fois épique et minimaliste qui s’arrête brusquement. Je ne sais pas ce qui est arrivé à celui ou celle qui essayait de fuir. Est-ce une chute malheureuse qui aura eu raison d’un petit chaperon rouge plus si jeune, dévoré par un loup cruel et affamé ?
Quiet Camera. Faut-il nécessairement regretter quelque chose pour être nostalgique ? Je me pose cette question régulièrement. La nostalgie est un angle de vue, un moyen de percevoir le monde. Pour moi, c’est quelque chose d’incroyablement optimiste. Une forme d’humilité, un moment pendant lequel on touche au vrai des choses. Un repère pour demain. Quelque chose à dépasser.
Il est des disques qui sont faits pour être écoutés à trois heures du matin, dans une chambre d’hôtel, à l’autre bout du monde.
Ce troisième disque du duo nord-américain Arms & Sleepers confirme indéniablement le succès qu’ils avaient rencontré à la sortie de Matador (2010), leur précédent album. Ils contribuent pour mon plus grand plaisir à réhabiliter l’ambient comme un genre musical à part entière auquel on n’accorde généralement que trop peu de visibilité. Même si cet opus est – comme son nom l’indique – assez sombre, il garde une dimension joliment optimiste en s’achevant sur Night, un morceau en forme de promesse pour les nuits futures.
L’album est en écoute sur Spotify et Deezer.