Il faut bien l’écrire pour que ce soit vrai, quoique certaine en doute, quoique certaine pense encore que le passé est installé dans le présent. La page était en suspens depuis des mois, elle refusait de retomber complètement et pourtant, on ne pouvait plus, depuis si longtemps, rien voir, encore moins lire, de cette page. Affaire de pages puisque j’en ai écrit, d’une plume malhabile, beaucoup trop, cent cinquante sans doute si j’en crois ce que je lis, pour en tourner une seule.
Voilà des mois que je sais que cette histoire est terminée. Fut-elle d’amour ? Fut-elle d’illusions, les deux évidemment mais tout se confond maintenant dans un souvenir qui restera, que je le veuille ou pas.
Certaine voudrait que je regrette. Certaine voudrait que j’aie gardé vide la place qu’elle avait, sans le dire et sans se le
dire, abandonnée. Elle sait, mais elle préfère l’ignorer, qu’elle restait là quand une autre me réconfortait. Des caresses, de l’amour. Des cris, de la haine. Tout s’est mélangé et seule
l’écriture, sans honte, m’a laissé vivre. Pauvres mots qui ne convaincront jamais une certaine qui invente sa propre vérité quand il suffirait de regarder. Mais rien n’est simple et rien ne
s’efface.
Il faut vivre avec ce qui a été, ce qui n’a pas été, ce qui aurait pu être. Et ce qui est, imparfait, réel comme les rêves ne
l’ont pas prévu. J’ai beau me dire qu’il aurait suffi de presque rien, de quelques détails, je sais que ces presque riens n’étaient pas si insignifiants qu’on pourrait le croire de l’extérieur.
Celle qui me donnait ce réconfort me disait que je ne pouvais me décider. Non, je ne pouvais parce qu’en réalité j’avais décidé depuis longtemps, depuis le premier jour, que je ne la rejoindrais
pas. J’ai voulu l’ignorer un temps, croire à un futur qui n’était qu’illusions. Les petits détails, les petits riens, quand ils s’accumulent forment des montagnes que personne ne franchit. Nous
savions elle et moi que nous nous étions trouvés pour assécher nos larmes, nous nous disions que nous allions continuer ensemble mais y avons-nous cru un seul instant. Certes, nous crûmes à
l’amour. C’est bien le passé simple qui s’impose. Ce fut fort et tout aussi bref, et la raison l’a emporté, c’était écrit.
Nous avons tourné une page, chacun de notre côté. Dans la douleur. Nous ne nous sommes pas assez soutenus, c’est mon seul vrai
regret. Il est trop tard pour qu’elle comprenne tout ce qu’elle m’a donné, à moins qu’elle ne l’ait déjà compris. Elle, bien sûr, c’est le modèle de la Raphaëlle de mon « Addiction ». Mais la vraie est tout autre. Elle m’a fait savoir que sa vie avait changé, qu’elle était
revenue aux parages qu’elle n’aurait jamais dû quitter. J’ai essayé de lui dire que pour moi aussi tout avait changé mais m’a-t-elle cru ? Quelle amitié est-elle possible quand on a été
amants, quand on a rêvé, quand on a voulu croire les illusions ? Sans doute nous sommes nous dit adieu voilà bien longtemps.
Quant à l’autre, celle que j’ai nommée « certaine », que veut-elle comprendre ? Elle aussi a vécu dans
l’illusion, une autre mais ne mène-t-elle pas dans le même pays. Elle continue, elle refuse, elle parle, elle ment, elle se ment et finit par croire aux mythes qu’elle façonne. En
reviendra-t-elle ? Elle sait où j’étais, elle ne veut pas savoir que j’en suis revenu. Petit, honteux. Mais sans regrets.
Et je sais que même aux instants réels d’un autre amour, elle était là. Elle ne le sait pas.