Tous les matins, dès le réveil, il se tient au garde-à-vous, prêt à repérer les ennemis envahisseurs. À peine un pied posé hors du lit que déjà, il se dresse et flaire dans l'air des indices de possible invasion. En alerte, il attend le moment propice pour faire venir les renforts. C'est qu'il est prime, le vaillant petit soldat. En selle sur sa monture, il explore les alentours, cherchant les alliés, repoussant les combattants.
Un matin, chevauchant sa monture étonnamment fatiguée, il croit déceler les signes de l'ennemi: une étrange odeur d'oignon, d'oeuf et de métal. Avant de sonner l'alarme, il se permet de partir à la conquête d'indices qui ne trompent pas, pour éviter de faire débarquer la chevalerie au grand complet pour rien. Il entraîne donc sa monture un peu plus bas. Un doux parfum de café lui rappelle que ses alliés sont tout près. Puis, des relents de bacon, after-shave et couche souillée l'attaquent de plein fouet. Au galop, il se dirige vers la cafetière, pour humer l'agréable odeur qui s'en dégage et chasser les vilaines qui l'ont menacé.
C'est trop tard. La guerre est déclarée.
Le petit soldat, l'Odorat, en selle sur sa vaillante monture, la Femme enceinte, ne peut contrer les attaques des odeurs pestilentielles du matin. Il appelle en renfort les doigts. Au moment précis où ceux-ci s'apprêtent à le couvrir en bouchant les narines, l'ennemi frappe de plein fouet avec des relents de vieille banane pourrie au fond de la poubelle.
C'en est trop pour le soldat. Il se rend. Et les nausées remportent la victoire matinale.