Quand j’écrivais à mes amies sur papier, je pouvais conserver de belles lettres de 5 ou 6 pages. Je prenais le temps d’y répondre (OK, je prenais 6 mois pour répondre, mais personne ne s’est jamais plaint ;) d’ailleurs elle commençait souvent par « je m’excuse d’avoir mis du temps à te répondre ») et je savais où retrouver ces écrits : une belle boîte à chaussures.
Depuis que je fréquente internet, j’ai dû écrire plus et plus souvent. Mais c’est moins significatif : l’email désacralise vraiment le côté correspondance. On a l’impression qu’il faut répondre immédiatement, et passer les premières salutations, on tombe vite dans la discussion instantanée. Je tombe dans ce piège comme tout le monde.
Ces échanges ne méritent souvent pas d’être conservés. La preuve, à chaque fois que je dois changer d’ordi ou réinstaller ma messagerie email, je les perds sans vraiment le regretter (ok, il y a quelques adresses mails importantes que j’ai perdue aussi, mais c’est surtout la possibilité de joindre ces personnes que je regrette, pas la correspondance plate et sans vie que j’ai échangé avec eux, qui, passé quelques temps, n’a plus aucun intérêt)
Et voilà, que je fréquente quelques blogs qui m’interpellent avec lesquels parfois j’échange à travers les commentaires. Alors, je les mets en bookmarque parce que j’ai envie d’y revenir plus tard, de réfléchir… Mais qui me dit que je retrouverai tout cela dans 6 mois ? Dans un an, quand mon ordi tombera en panne définitive, je ferai comment pour les retrouver mes chers articles à vous triturer la cervelle (en bien) ?
Et puis si l’auteur supprime son blog (ce qu’il a le droit de faire) peut-il effacer par là même la réflexion que j’ai entamé grâce à lui, peut-il éliminer mes commentaires comme si de rien ne c’était passé ? Il a le droit sur ses propres écrits, mais pas sur les miens… Même s’ils sont publié sur son site. Alors, je sais que je me prends la tête parce que 90% (peut-être même 99% !) des choses que je lis ou j’écris n’ont pas cette portée… Et pourtant, juste pour le 1% qui reste, c’est important de se questionner. Je pense que je réglerai le problème en enregistrant les échanges sur mon ordinateur, mais pourra-t-on, à l’heure du 100% numérique retrouver des échanges aussi fournis, réfléchis et variés que les correspondances d’artistes du 19-20ème siècle ?
Que seront les anthologies des correspondances de la fin du 21ème siècle ? Des travaux d’archéologie certainement, car qui conserve des échanges sur des matériaux durables ? Qui réfléchis sur des archives personnelles quand tout est dans l’effet de mode et la réactivité immédiate ? (et me parlez pas de la BNF et son hilarant système de dépôt légal automatique… Ce que j’ai écris ici ou là, personne ne le retrouvera dans 20 ans, sauf si je m’arrange pour le conserver moi-même)
Enfin, il me restera les cartes postales dont l’éclat intellectuel résume à lui seul ce qu’elles sont : des souvenirs joyeux et pleins de jeux de mots de vacances (j’adore, mais c’est pas ça qui va me faire réfléchir sur le sens de la vie, de la mort ou du temps qui passe…
)(et voilà, je vous préviens que si jamais y’a des propos intelligents qui sont tenus, je risque de les conserver dans mes archives personnelles, surtout si je participe : après tout, vous les avez rendus publiques, vos réflexions ! J’applique mon droit d’en faire une copie pour mon usage personnel ;) )