Magazine Talents
Nuage, vos papiers !
Publié le 16 mars 2011 par Addiction2010
Cette fois, il ne viendra pas chez nous ! Les vents sont contraires. Inutile de construire, comme il y a un quart de siècle
des barrières médiatiques pour arrêter le nuage radioactif à nos frontières. « Nuage, vos papiers ! ». Ils n’ont jamais peur du ridicule quand il s’agit de tromper le
citoyen.
La dernière trouvaille du lobby nucléaire est qu’il serait indécent d’exploiter le malheur des japonais pour faire revenir sur
le tapis un sujet qui est, pour eux, classé depuis longtemps. Mais dans quel camp se trouve l’indécence de ceux qui ajoutent, perfides, qu’au moins nous, nous n’avons pas construits nos si sûrs
réacteurs dans des zones sismiques, ni sur des côtes où déferlent les tsunamis. Tout juste s’ils n’ajoutent pas que les nippons sont inconscients, pas comme nous en somme.
C’est que l’affaire est classée. Nous sommes dépendants de l’électricité nucléaire, impossible d’y couper. Et comme nous sommes
coincés, autant en remettre une couche avec les nouvelles technologies, si propres, si sûres, si lucratives. C’est amusant, et horrible, cette utilisation du fait accompli, surtout quand elle est
manipulée par des forces politiques qui sont toujours prêtes à remettre en cause d’autres faits accomplis, comme la mixité ethnique de la France, par exemple.
Personne ne sait bien quel est le risque avec les centrales nucléaires. Je me souviens avoir visité, lors d’une sortie scolaire,
le chantier de celle de Gravelines. C’était la fin des années soixante-dix, nous étions des « scientifiques », nous avions grandi dans la certitude des bienfaits de la « fée
électricité » et l’espoir du magicien « atome » qui allait prendre le relais. Nous étions destinés à devenir ingénieurs et nous faisions confiance à la technologie. Nous étions
même certains que très bientôt, la fusion nucléaire viendrait fournir à l’humanité une énergie inépuisable et sans déchets. D’ailleurs, c’était écrit dans chaque numéro de « Science et
Vie », c’est dire si c’était certain. La fusion, c’était la bombe H domestiquée, un soleil en miniature si on préfère se rassurer. Et c’était pour demain. Seulement, c’est toujours pour
demain, et même pour après-demain. Notre génération ne le verra pas. Quant à savoir si une autre génération le connaîtra, rien n’est sûr. L’idée est formidable mais les difficultés à résoudre ne
le sont pas moins.
Alors, le risque ? Tchernobyl, combien de morts ? Personne ne sait, et le sinistre décompte n’est probablement pas
clos. Mais est-ce que la catastrophe ne peut pas être pire encore ? Rien ne prouve que les réacteurs japonais ne vont pas s’emballer et dégager un nuage radioactif sur une région autrement
plus dense que l’Ukraine, sans oublier que la traversée du Pacifique sera une formalité et qu’il trouvera de l’autre côté d’autres régions très peuplées.
Le lobby nucléaire devrait aussi se souvenir que les scientifiques ont quelques notions de probabilités. De mon temps, c’était
au programme du lycée ! L’une des premières leçons que l’on apprenait est qu’il faut distinguer la probabilité d’occurrence d’un évènement de ce qu’on appelle l’espérance. Autrement dit, si
la probabilité d’occurrence d’un évènement est infiniment petite mais que sa conséquence est infiniment grande, il vaut mieux éviter d’y aller. Au risque de sembler lourd et vulgaire, voici la
comparaison qui me vient : construire des centrales nucléaires, c’est comme baiser avec des inconnus sans capote ! Objectivement, le risque de contamination n’est pas énorme, seulement
si jamais le virus passe, on a toutes les chances d’y rester. C’est cela la technologie nucléaire : et encore, l’histoire montre que la probabilité d’accident est bien plus forte que celle
de la transmission du HIV ! Jusqu’à présent, on a pu en limiter les conséquences, même à Tchernobyl, mais forcement, un jour ou l’autre, on n’y arrivera plus. Espérons que ce n’est pas
encore pour cette fois.
http://www.gnu.org/copyleft/fdl.html) or CC-BY-SA-3.0-2.5-2.0-1.0 (www.creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0)], via Wikimedia Commons">
Chez nous aussi on construit les centrales nucléaires sur la plage