Mon fils dort à côté, tout va bien. Il ne pleure plus, enfin. Je serre fort la laisse du chien, avachi dans mon fauteuil club. Je veux sentir la chaleur de la lanière lacérer ma peau. Sa violence, sa douceur. J’ai toujours aimé l’odeur du cuir et du chien mouillé. Le musc de l’animal me rassure. La nuit illuminée par les réverbères et les enseignes publicitaires caresse les murs blafards du loft. Mon blackberry ne sonnera plus, enfin. Kathy aura beau m’appeler pour se rassurer, je ne répondrai pas. Nous ne répéterons plus notre dialogue de sourds :
- Mark, tu vas bien ? Tu es sûr ?
- Oui, mais je ne peux pas parler trop fort, le petit dort.
- Il va bien, lui ?
- Oui, il pleure beaucoup. Je l’envie parfois.
- Ta femme est là ?
- Non, ne te gêne pas…
- Tu viens nous voir quand ? Melissa te réclame.
- Et toi ?
- Moi, je m’inquiète juste pour toi.
- Pourquoi ? C’est mon père qui est accusé, pas moi…
- Oui, mais tu sais bien…
- Ecoute, Katherine, cette histoire suit son cours depuis deux ans. Ca nous a déjà coûté notre divorce. Tu as refait ta vie, moi la mienne. Ca suffit. Inutile de remuer encore le couteau dans la plaie…
Je pourrai me dérouler toute l’histoire, voir à quel moment j’ai failli, où je me suis vendu. Inutile, le ver était dans la pomme depuis le début. Je suis simplement coupable d’être né. C’est notre lot commun à tous, non ? Le lyrisme me prend la gorge, je le renvoie comme une fille qu’on a payée pour une pipe, qu’on a fait monter et qu’on ne veut plus. Mon désir est tombé à ses pieds quand elle s’est agenouillée pour me sucer. Mon cynisme me console. C’est la seule drogue qui me soulage encore ces derniers temps. Notre naissance nous maudit. On regrette tous les parents que l’on a reçu, non ?