Le soir venu, Fillette était d'une humeur massacrante. Rien ne faisait son bonheur, elle disait qu'elle avait eu la pire journée, etc.
Petit Monsieur vient me voir à la première occasion, comme s'il avait pensé à ça toute la journée.
Petit Monsieur : Maman, est-ce qu'on parle à Fillette? Tu as oublié?
Maman pieuvre : Non, je n'ai pas oublié, mais ce n'est peut-être pas le moment idéal, elle n'est pas trop de bonne humeur...
Petit Monsieur : Ah.
Quelques moments plus tard, Fillette revient dans la cuisine et commence à me raconter ce qui s'est passé à l'école et qui la dérangeait tant. Je l'écoute, lui donne quelques conseils, fais quelques blagues. Elle rit. Elle retrouve sa bonne humeur.
Maman pieuvre à Fillette : Tu vois! Tu vas mieux maintenant que tu en as parlé. C'est pour ça (répétai-je pour la enième fois) que c'est important de le dire quand ça ne va pas!
Fillette, reluctante : Ouin...
Maman pieuvre, toussotant : Justement, Petit Monsieur voudrait te parler de quelque chose. Est-ce qu'il peut?
Fillette, surprise : Oui...
Petit Monsieur s'installe, se tordant les mains : Ben c'est juste que je trouve que depuis quelque temps, on dirait que tu n'es plus gentille avec moi. Des fois je dis des choses et tu réponds toujours on s'en fout...
Fillette hausse les sourcils.
Petit Monsieur, les larmes commençant à monter dans ses yeux, mais s'efforçant que ça ne paraisse pas : Quand tu dis ça, je pense que tu te fous de moi... et ça me fait de la peine...
(Chapeau Petit Monsieur! J'étais tellement fière.)
Il avale, inspire et est pendu aux lèvres de sa soeur. Je peux voir tout l'espoir dans ses yeux, mêlé à la crainte d'être rejeté comme une vieille chaussette...
Fillette, étonnée : Ah oui? Je m'excuse (wow!!! venant d'elle, c'est précieux!!!) Je me fous pas de toi du tout, je me foutais de bien écrire à l'ordi (je me retiens d'y aller de mon discours sur l'orthographe).
Maman pieuvre : Donc tu aimes encore ça faire des choses avec ton frère?
Fillette : Ben oui!
Maman pieuvre : Et tu te fous pas de lui ou de ce qu'il dit?
Fillette : Ben non. J'avoue que des fois, il fait des gaffes, mais c'est pas grave.
(Mais où est donc passée ma fille? Et qui est cette personne aussi conciliante???)
Et là, je vous assure, j'ai vu de mes propres yeux un énorme poids quitter les épaules de mon fils. Il s'est redressé, a souri. C'était beau à voir.
Petit Monsieur : Ok!
C'était réglé.
Un peu plus tard :
Maman pieuvre : Es-tu fier de toi?
Petit Monsieur : Pourquoi?
Maman pieuvre : D'avoir parlé à ta soeur de ce qui n'allait pas?
Petit Monsieur : Oui.
Maman pieuvre : Es-tu soulagé? Est-ce que ça va mieux?
Petit Monsieur : Oui.
Et je n'ai pu m'empêcher de lui faire un peu la morale, tout à coup une petite fraction de ce que je lui dis réussissait à se frayer un chemin dans son inconscient.
Maman pieuvre : Tu sais, tu dois te rappeler que tu peux TOUJOURS parler à quelqu'un. Ce n'est pas obligé d'être moi. Ça peut être ton père, ta soeur, ton prof, tes grands-parents, un autre adulte, des amis. Tu peux TOUJOURS demander de l'aide. Il y a TOUJOURS une solution. À tout. Même si dans ta tête tu ne le penses pas, il y a TOUJOURS une solution.
Petit Monsieur me regardait en silence. Il hoche la tête.
Pour le moment, le message est compris.