Libye : M. Sarkozy jouant sur les vertus amnésiques de la guerre étrangère

Publié le 18 mars 2011 par Hermas

M. Sarkozy peut être fier, et avec lui son ministère des affaires étrangères, qui aime à se donner des airs martiaux : le plus impopulaire de tous les Présidents français de l'histoire peut espérer, à quelque temps des élections présidentielles, redorer un peu son blason. La recette est vieille comme le monde : détourner l’attention des foules mécontentes en leur désignant un ennemi commun. M. Baroin a d’ailleurs récemment déclaré, pour manifester cette unité : « Les Français qui étaient aux avant-postes de cette demande (d'intervention) seront naturellement cohérents avec l'intervention militaire, donc ils participeront ». Oui, cette demande était la vôtre, la mienne, évidemment, comme aussi ce combat glorieux.

Le problème est que l’ennemi supposé insupportable d’aujourd’hui est celui que l’on recevait en grandes pompes à Paris en 2007, le jour de la Journée mondiale des droits de l’homme si l’on s’en souvient [ce qui avait provoqué l’indignation de Mme Rama Yadé, qui s’en était alors fait taper sur les doigts par le Président, ainsi que le scandale de beaucoup de Français]. Tous ces bons messieurs, aujourd’hui, sont pourtant unanimes. Il faut abattre la bête qui, d’interlocuteur qu’il était hier, notamment pour l’achat d’armement, est devenu un tyran sanguinaire pour l’avoir utilisé.

On aura beau nous expliquer que ce qui a tout changé est que cet armement a été utilisé contre le peuple libyen, tout cela ne nous convaincra pas. Car il y a belle lurette que le pouvoir de M. Khadafi est tourné contre son peuple, sans que cela ait bien dérangé les consciences de nos politiciens, toutes tendances confondues. Le problème est qu’après les ratés tunisiens et égyptiens, il fallait à tout prix faire mine d’exister, ce qui ne pouvait se faire, selon le modus operandi de M.  Sarkozy, que dans la frénésie et la grandiloquence.

M. Juppé était d’autant plus pressé lui-même d’aboutir auprès de l’ONU qu’il s’était enhardi, en Egypte, à déclarer, avec le ton humble qui lui est familier, que M. Khadafi n’avait plus qu’à partir. Las, ce dernier ne paraissait pas se soumettre à cette docte sentence. Et s’il l’emportait ? Cela en prenait bigrement la route. Ce serait alors un nouveau camouflet pour une politique étrangère décidément sans orientation ni inspiration. Alors, vite, vite, faisons-le tomber, et portons-y directement la main puisque certains de nos partenaires européens ne paraissent pas dupes de nos motivations.

Pour faire bonne figure, nous en appelons à la Liberté, bien sûr. Allons, enfants de la Patrie, la gloire nous attend ! Passé cet épisode, qui ouvrira peut-être dans notre dos un nouveau bourbier au moins entre libyens, « les Français » de M. Baroin seront-ils longtemps oublieux de n’avoir rien reçu de ce gouvernement que mensonges, privatisation et vulgarisation de la chose publique et promesses non tenues ?

Rien n'est moins sûr.