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Etat chronique de poésie 1163

Publié le 20 mars 2011 par Xavierlaine081

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1163 

Ayant mis un point que je croyais final, je me retournais. A grands coups de poings dans mon dos, les mots frappaient en pleurant, me suppliant de ne rien accomplir de mes menaces. 

Alors je suis revenu sur mes pas avec moults points d’exclamation. Je transformais ce qui devait être le point d’orgue en une simple virgule, un soupir, une respiration très momentanée. 

Ma piste de mots explore une lumière de printemps. Je disais ne pas aimer le cri des pies. Perchées sur le marronnier d’en face, elles arborent avec fierté leurs plumes irisées dans la lumière matinale. 

Déjà une foule sans conscience, ou en ayant une si différente de la mienne, s’agite, passe à grands bruits de moteur, ne laissant pas le moindre espace pour le silence et le repos. 

De bon matin, samedi, où courez vous donc, dans quel but, vers quel rendez-vous incontournable ? 

La nuit s’est faite courte sous la tempête des pensées. Leur vent venait en rafale arracher leur frêle abri aux rêves. Je me tournais, me retournais, fatigué de cette agitation qui, en dedans, menait grand tapage. 

Tant de chose à écrire, à mettre en forme, à déballer, ici et ailleurs, qu’une seule journée sera encore trop courte, me laissant à de grandes vagues de découragement. 

Je voudrais tant pouvoir affirmer la beauté, l’amour, me laisser dériver sur des ondes de douceur et de volupté, mais il se trouve toujours quelque main tendue, quelque violence, ici, ou là-bas, pour mettre un double voir un triple bémol à mes aspirations. 

Vous me voyez, parfois, fourbu d’être confronté à cette immense misère du monde et à son corollaire, l’âpreté au gain, la dureté d’un marché, l’immense soif d’argent et de reconnaissance, les sommets d’avidité qui en mènent, peu nombreux mais quand même, parmi nous, à ce mépris qui me désole pour toutes les souffrances, les petites misères, les petits échecs et les grandes déchéances de la majorité. 

On me demande, dans un bureau de banque, si je calcule, avant d’écrire, ce que mon écriture pourrait me rapporter. Voilà que le monde s’écroule sur ma tête. Je plie et m’enfonce en ce fauteuil de direction. Je tente en vain de répliquer qu’écrire n’a jamais nourri son homme à de très rares exceptions près. Je vois le regard incrédule et condescendant. Je m’enfonce dans mon regret de ne pas savoir, peut-être, faire ma promotion, me vendre au plus offrant, consacrer le temps imparti pour « rentabiliser » mes connaissances, mes recherches et mes doutes. 

Non, pas les doutes : ceux-là ne sont pas autorisés au monde réduit en colonnes de chiffres, et en vaines tensions pour se conformer au moule déterminé on ne sait où. 

Je reviens sur mes pas. Tant de vers offert sans rien demander en contrepartie ; tant d’esprit divulgué sans demander le moindre retour. Saurais-je un jour me tenir en cette estime qui forge l’ego indispensable au temps qui court ? 

J’en connais un (j’y reviendrai peut-être demain) qui sait pratiquer de la sorte : il existe seul, le monde tournant autour de lui. Il ne sait rien d’autre que lui-même et sa propre mise en scène. 

Il aime qu’on parle de lui. Il prend un ton péremptoire pour asséner à son public médusé son anarchisme de bon petit bourgeois. Mon banquier rit de toutes ses dents : « Regardez, lui, au moins, sait y faire, que vous, pfff ! ». 

Et vous me voudriez autrement qu’accablé ? 

Manosque, 19 février 2011

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