Marie a le nez dans les cheveux de Geneviève. Ils sentent bon. Marie a toujours aimé l’odeur de Geneviève. Elles se connaissent depuis plus de quinze ans. Geneviève pleure.
- J’ai l’impression de mourir par en dedans.
Marie ne sait pas quoi dire. Elle se tait. Elle tient son amie dans ses bras. Parce que c’est la seule chose qu’elle peut attraper. Sur le reste, elle n’a pas de contrôle. Les pères qui meurent, ça dépouille les filles. Et le père de Geneviève meurt.
- Je sais pas quoi te dire ma belle.
- Y’a rien à dire.
Geneviève se dégage de l’étreinte de Marie. Elle s’agenouille sur la dalle du foyer, elle tend les mains vers le feu. Marie reste debout mais elle n’a plus rien à tenir. Elle est dépourvue. Elle se dirige vers la cuisine. Elle empoigne une bouteille de vin de dépanneur Les Truffes, elle prend le limonadier vert. Elle ouvre la bouteille et verse le vin dans les deux ballons. Il y a déjà des traces de doigts sur le verre. C’est la deuxième bouteille qu’elles boivent. Ce sont des amies qui boivent trop. Elle revient au salon, tend une coupe à Geneviève. Elle met de la musique sur son I-Pod, Michael Jackson Billy Jean. Geneviève pousse une exclamation de joie, elle se lève et se met à se tortiller le bassin en riant. Marie crie par-dessus la musique :
- Tsé le gars que je t’avais parlé l’autre jour?
- Le comptable?
- Hein? Non! Le gars pas rapport que j’ai rencontré dans un Canadian Tire!
- Ah le monsieur muscle!
- Ouais lui! Ben tsé pas quoi?
- Non!
- Ya vraiment un trop gros pénis!
Les deux filles s’esclaffent comme des filles saoules. La musique finit. À la fin de la soirée, lorsque Marie va reconduire Geneviève à la porte, elle la serre de nouveau contre son cœur. Geneviève lui dit :
- J’vas avoir besoin de toi mon amie. Vas falloir que tu te tiennes prête parce que j’vas vraiment avoir besoin de toi.
- J’vas être là.
Geneviève retourne chez elle. Marie s’appuie contre la porte refermée. Elle passe une main dans ses cheveux. Elle sait que ça ne suffira pas.