21 mars. Jour sacré pour pas mal de gens dans le monde, puisqu’il marque la sortie du 4e album des Strokes, Angles. De l’écriture périlleuse à la sortie distinguée par l’immonde pochette en passant par l’enregistrement foireux, il faut avouer que je n’attends pas grand chose de cet album. Julian Casablancas, le leader-glandeur nous avait déjà pondu une belle bouse solo l’an dernier, Phrazes for the young, puisqu’il s’emmerdait avec ses potes pas drôles et qu’il avait sévèrement besoin de cash pour se payer ses rails de coke. Ben ouais, attends, on peut pas être leader-glandeur d’un groupe qui a fait renaître le rock de ses cendres (selon l’expression appropriée) sans être un camé. Faut pas déconner, Julian il fait les choses bien. Tellement bien que l’aventure Angles est assez incroyable.
Artiste : The Strokes
Album : Angles
Style : Rock
Nationalité : US
Date de sortie : 21 mars 2011
Note : 6,5/10
Cette pochette, sérieusement… Je ne m’en remettrai jamais, je pense. D’habitude, les Strokes font dans le classe (First Impressions of Earth et ses bandes blanches), le catchy (Is This It ? et ses fesses nues) ou l’abstrait (Room On Fire), mais jamais dans le moche. Cet escalier de Penrose sort tout droit d’une école primaire, sans déconner. Et le damier en dessous, ce jaune aggressif, et puis ces bordures hideuses… Mais L’habit ne fait pas le moine, je me rappelle encore de l’horreur de la pochette de Congratulations de MGMT, qui était au final un excellent album, donc ne cédons pas aux a priori. L’album ayant fuité sur le net la semaine dernière (suivi de sa rapide mise à disposition sur le site officiel du groupe), je le juge avec une semaine d’écoute plus ou moins attentive. Déjà N°2 en France et au Royaume-Uni, Angles a été un accouchement très difficile pour le groupe.
Depuis 2006 et la sortie de leur troisième et un peu décevant First Impressions of Earth, les membres du groupe se sont lancés avec plus ou moins de succès dans des petites aventures solo, avant de se cracher dessus par médias interposés (le NME prenant généralement grand soin de relayer les piques). Problème : le groupe ne pouvait pas se quitter sur cet album, nonnonvraimentpaspossible. Sans oublier la manne financière hallucinante incarnée par le quintet. Il a donc fallu se remettre au boulot, tous ensemble, pour sortir un album.
D’habitude entièrement écrites par Julian Casablancas (du chant aux basslines en passant par les guitares), les chansons ont cette fois-ci été écrites par le groupe. Entier. Oui. « All songs written and arranged by The Strokes ». Nick Valensi a donc pu en profiter pour écrire, entre autres, Taken For A Fool. Cette généreuse idée a été qualifiée par Casablancas (toujours aussi condescendant) « Operation Make Everyone Satisfied » (« Opération Tout le monde est content »). Ces quelques mots montrent bien les tensions qui opèrent au sein du groupe. Un premier enregistrement a lieu, mais le groupe insatisfait jette les morceaux à la poubelle, et le producteur avec.
Le vide s’installe, et la question demeure : « Les Strokes réussiront-ils à sortir ce quatrième opus ? ». La solution est trouvée par Casablancas, qui s’isole pour enregistrer ses morceaux sans le groupe, qui doit donc bosser sans chanteur. Le processus inquiète, est qualifié comme « affreux » par Nick Valensi sur Twitter, qui finira par lâcher sa langue de bois habituelle pour avouer l’enregistrement invivable. Les petits bouts sont recollés ensemble, et le groupe n’a toujours pas explosé en vol. L’album sera repoussé, puis repoussé de nouveau…mais il finira par sortir. Alors que les White Stripes ont eu le courage d’arrêter pour « laisser au groupe ce qu’il a de si spécial et magique », les Strokes n’auraient-ils pas mieux fait d’en faire autant ? Angles est donc l’album de la dernière chance. Le cauchemar. Mais étonnamment, il n’est pas la catastrophe que l’on était en droit d’attendre. Il est l’album le plus éclectique du groupe, le moins cohérent, le plus court, mais peut-être aussi le plus intéressant.
L’objet ardemment attendu s’ouvre sur Machu Picchu, très bon morceau aux sonorités new wave qui passent pas mal avec le « son Strokes » que l’on reconnaît très vite. S’ensuit alors Undercover Of Darkness, single de l’album au clip très chic qui rappelle les premières heures du groupe. Si le son est très classe, le morceau est au final bien trop lisse pour être réellement apprécié. Heureusement, les new-yorkais délaissent leurs guitares enjouées pour se rapprocher du son electro si cher à Julian Casablancas sur son album solo : Two Kinds Of Happiness est donc un hybride assez peu réussi, ce qui n’est rien comparé à You’re So Right. Ici, le groupe pompe les excellents These New Puritans sans scrupule, pour un résultat très pâle, où le chant devient inécoutable. Comme son nom l’indique, Taken For A Fool nous prend pour des cons, dans une parodie des Strokes bien trop fade pour être convaincante.
Mais le pire est à venir : dans Games, retour aux tonalités 80′s, et une sévère envie de gifler le Julian qui nous ressort ses synthés, venus droit de l’enfer quand c’est pour nous pourrir les Strokes. Call Me Back, plus simple, est plus réussie, mais montre en même temps les limites du chant de Casablancas. C’est indéniablement l’une des meilleures chansons de l’album, puisqu’elle ne nous agresse à aucun moment, ce qu’on ne peut pas dire de Gratisfaction et Metabolism, dont les titres ridicules n’étaient déjà pas de bonne augure. Pourtant, elles sonnent bien et nous rappellent de quoi ce (grand) groupe est capable. La belleLife Is Simple In The Moonlight, achève de nous en convaincre.
Oui, The Strokes est un grand groupe. Il est vrai qu’Angles est un album qui laisse sur sa faim (notamment à cause des belles chansons qui le finissent) parce que trop court. Il est incohérent, part dans tous les sens, mais est ce qu’ils ont sorti de mieux depuis Room On Fire. La demi-réussite du groupe pourrait même remettre le groupe sur les rails du studio, puisqu’ils plancheraient déjà sur un cinquième album.
Revenus du plus profond de l’Enfer, The Strokes nous offrent un album en demi-teinte qui ne sait pas où donner de la tête, mais dont les réussites sauvent le tout avec brio.