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Fratrie : éloignement progressif et insidieux

Publié le 24 mars 2011 par Isabelledelyon

Ce week-end, pour une fois, ma mère va avoir ses quatre enfants autour d'elle.
Nous ne sommes que deux à habiter Lyon comme elle. Aucun de nous n'est originaire de Lyon. J'étais la première à m'y installer. Ma mère est arrivée ensuite à cause du cancer de mon père traité à Lyon et de leur activité professionnelle qui se développait davantage ici. Mon plus jeune frère J., le petit dernier, était mineur à cette époque, a suivi et y est resté même si maintenant il est indépendant et n'habite plus sous le même toit que ma mère.

Mon cancer m'a permis de mettre à plat les mauvaises relations que j'entretenais avec ma mère. J'ai été amenée à couper les ponts avec elle pendant près d'un an pour me protéger. Je souffrais trop de son comportement. Elle pouvait continuer à voir seulement mes filles. Nous avons pu prendre du recul toutes les deux, nous avons renoué et nous sommes reparties sur de nouvelles bases beaucoup plus saines. J'étais extrêmement méfiante, j'avais peur de souffrir à nouveau et puis elle m'a donné toutes les raisons de lui faire confiance. Elle est descendue de son piédestal et a enfin consenti à donner elle aussi et pas uniquement à recevoir.
Depuis elle s'occupe de ses petites filles et non pas parce que je lui demande mais parce qu'elle en a envie. C'est nouveau, ça aussi, dans notre nouvelle relation.
J'éprouve du plaisir à passer du temps avec elle, je ne le vis plus comme une contrainte. J'ai décidé de penser à moi. Je suis franche. Je refuse des repas de famille, je refuse Noël à Lyon. Je ne veux pas être obligée, me plier à des obligations qui ne m'apportent aucune satisfaction.
Nous avons passé une journée ensemble, resto, ciné, c'était la première fois. Elle est venue me rejoindre deux jours à la montagne pour notre plus grand bonheur à toutes les deux, elle est même remontée sur des skis. Nous arrivons à communiquer sur un mode qui n'est plus fait de remontrances et d'obligations mais de partage.
Finalement par notre localisation, elle est beaucoup plus proche de moi et de mon plus jeune frère J. Nous ne nous voyons pas beaucoup, elle va chercher tous les vendredis soirs mes filles à l'école, les amène à leur cours de natation avant de les raccompagner à notre domicile.

Ma soeur habite Paris avec son mari, n'a pas d'enfants. Son travail absorbe la majeure partie de son temps, elle s'y implique beaucoup, une vraie working girl. Elle voyage beaucoup pendant ses loisirs et n'a pas beaucoup de temps à nous consacrer. Ses centres d'intérêts s'éloignent de plus en plus des miens, le cancer et les enfants ne sont pas ses préoccupations de tous les jours, pour ainsi dire jamais. Je ne l'ai pas revue depuis début novembre. Ses visites s'espacent.
Mon autre frère E. tient à son indépendance plus que tout et vit dans le sud-ouest, il est son propre patron et supporte encore moins que moi toute obligation. Il ne vient pratiquement jamais à Lyon. Ma mère et mon beau-père vont lui rendre visite de temps à autre. Il va bientôt être papa.
Nous avons réussi à faire coïncider la venue programmée de ma soeur et celle ce mon frère E.
Ma mère n'a pas dû nous avoir tous les quatre autour d'elle depuis le mariage de ma soeur je pense. Il a eu lieu en 2008, c'est dire...
Nous avons été réunis tous les quatre l'été dernier mais autour de ma famille paternelle, ma mère n'était pas conviée.
J'ai fait un effort pour elle essentiellement. Son plaisir maintenant me rend heureuse et ne me laisse plus indifférente. Pour une fois, nous n'irons pas dans nos montagnes, ma fille aînée J. n'ira pas à son entraînement de ski. Nous restons sur Lyon et j'ai même pris mon vendredi après-midi pour les accueillir à la gare.
Je n'attends plus rien d'extraordinaire de ces moments de retrouvailles entre frères et soeurs. Nous sommes différents, nous vivons le reste de l'année sans nous côtoyer. Nous ne partageons plus grand chose à part notre socle commun de souvenirs, d'éducation, de généalogie. Nos partages sont anciens, ils sont derrière nous. Nous ne faisons plus rien ensemble, pas de vacances malgré quelques tentatives de ma part.
J'ai le sentiment que plus les années passent, plus nous nous éloignons les uns des autres. Nous ne construisons plus rien ensemble. J'ai eu du mal à l'accepter, je m'étais beaucoup investie dans ma fratrie, peut-être parce que j'en suis l'aînée. J'ai dû faire le constat que même si nous sommes très heureux de nous retrouver, nous ne nous manquons pas plus que ça le reste de l'année et je n'ai pas ressenti une volonté de leur part de se rapprocher.

Le cancer n'a fait qu'accélérer cette prise de conscience. J'espérais qu'il inverserait la tendance comme pendant le cancer de mon père. Se rapprocher, se serrer les coudes face à l'adversité mais c'est plutôt le contraire qui s'est produit. Je les ai trouvés un peu trop absents. Mes amies ont été beaucoup plus présentes. J'en ai souffert. Il a fallu que je fasse le deuil de ces relations fraternelles que j'idéalisais. J'ai aussi arrêté de toujours vouloir faire des efforts pour eux en ressentant un déséquilibre dans cet investissement un peu trop à sens unique. Maintenant je suis beaucoup plus sereine mais aussi quelque peu désabusée dans nos échanges. Le meilleur exemple : ils ont l'adresse de ce blog mais ils ne s'y intéressent pas. Je ne leur en parle plus. J'ai décidé de les prendre tels qu'ils sont les quelques rares fois où nous nous croisons dans l'année et de profiter de ces quelques moments éclairs. Elle est bien loin l'alchimie de "L'échappée belle".

Lorsque je vois des soeurs et frères qui ont réussi à rester les meilleurs amis du monde une fois adultes, je les envie malgré tout. On ne choisit pas sa famille mais heureusement on choisit ses amis qui peuvent devenir plus que des frères ou des soeurs de substitution, c'est ce que je ressens et j'en ai pris mon parti.

Le cancer est un formidable révélateur de la générosité des personnes qui nous entourent. Il en fait fuir la plus grosse partie mais ceux qui restent sont de véritables trésors dans notre vie de tous les jours.

ingalls


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