Une anacoluthe déprimante

Publié le 27 mars 2011 par Claudel
L’enthousiasme est-il signe de succès? Le bonheur est-il dans la réussite et la réussite est-elle dans la compétence? En théorie, dans ma tête, je connais mes limites, je sais que je suis meilleure que d’autres dans certains domaines et que d’autres me dépassent largement dans certaines spécialités. Croyais-je vraiment qu’une fois le contrat signé, le plaisir irait croissant jusqu’à la publication? Pourquoi alors me sentir si nulle quand le monteur de mon roman Les Têtes rousses m’écrit que j’ai une anacoluthe dans mon manuscrit?
Pas un petit irritant passager, un véritable coup de masse. Qui suis-je pour prétendre publier un roman si je ne sais pas ce qu’est une anacoluthe? Quand bien même 90 % du monde me dirait qu’il ne le sait pas non plus, j’aurais dû le savoir, j’aurais voulu le savoir. Et non seulement connaître la signification de ce mot, mais en plus ne pas en avoir laissé passer une dans mon roman. Ce qui me console, c’est que la réviseure, elle, ne l’a pas vue? Comment se fait-il que ce soit le monteur en page, consciencieux et professionnel, qui l’ait vue? Je le remercie quand même de s’être donné la peine de me la signaler, même si elle m’a jetée par terre.
Sans compter la concordance des temps. Je savais ma faiblesse pour les participes passés, les pronominaux surtout, mais je me rappelle encore avoir enseigné cette concordance le premier mois de ma courte carrière de professeur de français. Passerais-je même l’examen de français qu’on exige des futurs professeurs? En revanche, j’ai été très heureuse de voir l’équation toute simple que ce monteur en page m’a refilée pour comprendre la concordance des temps.
Présent = futurPassé = conditionnel
Pourquoi personne ne m’a jamais présenté façon aussi simple de retenir comment accorder nos verbes? Du coup, je sais que lors de la relecture finale, je guetterai le moindre futur pour être certaine que je n’aurais pas dû utiliser le conditionnel. À ma défense, il faut dire que mon roman fut d’abord écrit, pendant cinq ans au présent — et donc au futur pour les actions subséquentes — alors que ce n’est que dans la dernière version, l’été dernier, que j’ai tout changé au passé, je me pardonne donc d’avoir laissé quelques verbes au futur, encore que… ça devrait être automatique. Justement rien n’est automatique chez moi, tout est gagné à la force de travail et relectures et apprentissages. Encore et encore. Si au moins entre chaque apprentissage, il n’y avait pas cette descente de l’estime et encore si au moins après chaque expérience, il n’y avait pas l’oubli. J’ai peur que toutes ces émotions ne minent l’enthousiasme de la publication. Et faut-il l’enthousiasme pour s’assurer du succès? Du genre de celui de Sylvie Gaydos, tellement beau à voir.