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Hé hop ! Un bébé dans le congélo !

Publié le 28 mars 2011 par Paumadou

Parfois, il faut savoir dire stop. Il faut s’avoir s’arrêter. C’est comme ça.

J’en ai fini avec Absences.

Pardonnez les comparaisons usées et re-usées, mais pour ces messieurs, je vais essayer d’être plus claire que « Mon roman c’est mon bébé » qu’ils comprennent bien ce que c’est que de faire un bébé.

J’ai voulu écrire cette histoire, comme on a envie d’un bébé. C’est physique, ça vous obsède (question d’hormone sans doute, mais je suis une femme, je vis DANS mon corps, les hormones, c’est mon quotidien !).

Je l’ai écrite, ce n’était pas un accouchement, c’était une grossesse. Elle m’a rendue malade, perplexe, m’a apporté du plaisir aussi. L’histoire a grandi sur les pages, s’est formée jusqu’à arriver au stade final : elle était là prête à naître.

C’est là que le plus douloureux a commencé : accoucher, c’est dur, violent. J’ai jamais aimé ça, je n’en garde pas non plus de souvenir béat. Ca fait mal. On peut toujours se laisser aller au début, se laisser prendre en charge. On est dans un état flottant : le roman est chez les premiers lecteurs, on ne sait pas quand le retour va venir, mais c’est parti. Ce sont les premières contractions, celles qu’on attend fébrilement. On ne peut plus rien arrêter.

Puis le travail se corse : les retours se sont les contractions douloureuses, celles qui vous coupent le souffle. Celles qui vous disent : Ok, là ma cocotte, il est temps de penser à aller à la maternité !
Vous avez le choix : les prendre à bras le corps, vous battre contre elles, ou vous laisser aller. Ecouter les retours et suivre votre instinct : toutes les contractions ne sont pas utiles, toutes les douleurs n’ont pas à faire mal. Il faut arriver à faire preuve de jugement. A ce stade, c’est encore possible. Mais, on ne peut rien arrêter : parce que les premiers lecteurs veulent voir que ce qu’ils ont fait n’a pas été vain, et qu’on a pas nous-même, on a pas fait tout ça pour rien !

Puis une fois, habituée à ces contractions, le travail sérieux commence. Celui qui vous donne envie de crever et vous demandez pourquoi vous avez un jour osé penser que ça serait cool ! (c’est peut-être un peu fort pour parler d’un roman, mais nous jouons dans la métaphore ;) ). Là, vous avez corrigé après la bêta-lecture et… Tout est à refaire, vous avez envie de tout balancer par la fenêtre, de vous petit-suicider littérairement (j’adore le petit-suicide avec de la vergeoise brune, c’est idéal pour ça !

Razz
). Tout arrêter.

Sauf que c’est pas possible : autour de vous, les gens commencent à devenir pressants (Alors ? ça en est où ? Je pourrais bientôt lire ? blablabla…) et vous, vous voulez juste qu’on vous f**** la paix avec cette histoire. A la base, de toute manière, c’était stupide ! L’histoire est stupide, les personnages tiennent pas la route, les phrases sont tellement mal tournées que c’est impossible que vous ayez jamais pu écrire des trucs pareils et trouver ça bon, ne serait-ce que 5minutes… Franchement, quel imbécile a réussi à vous donner envie d’écrire, hein ? Et purée, qu’est-ce que ça fait mal !

De toute manière, vous avez pas le choix : vous avez ce texte auquel vous tenez, qui est là qui vous appelle sans arrêt, qui vous obsède tellement que vous ne pouvez rien faire d’autre tant que vous n’en aurez pas terminé avec lui ! Et puis arrive la phase de désespérance…

A ça, la phase de désespérance, les mecs n’y croient pas. Jusqu’à ce que ça leur tombe dessus. Ce moment où leur femme s’accroche de toutes ses forces à leurs bras en suppliant qu’il l’achève, qu’il fasse TOUT (y compris, la tuer, je vous assure, qu’on préférerait vraiment mourir…) pour que ça s’arrête.
Pour un texte, c’est pas forcément aussi fort (métaphore, rappelez-vous ;) ) mais c’est quand même présent : mon texte est nul, franchement, ça sert à rien ce que je fais (Et alors ? L’art ça sert pas toujours au premier abord… mais tu es tellement DANS ton sentiment d’impuissance que ça, tu n’y penses pas !) – Là ça m’a pris jusqu’à la réécriture du 17ème chapitre…

Etrangement, pour les 3 derniers, je suis passée en phase d’expulsion. Ne plus me concentrer sur ce qui fait mal, mais essayer de « pousser » efficacement dans le sens qui soulage (et OH OUI ! ça soulage de pousser pour le sortir ce bébé !)
Pour en finir au plus vite, être débarrassée.

Et voilà. D’un coup, tout est fini. On se sent soulagée, on a un petit fichier (modernité oblige, c’est juste bizarre d’avoir un si petit fichier sur son ordinateur, quand il semblait envahir tout votre esprit auparavant !)

J’en ai fini. Désormais mon roman est né. Il n’est pas public, ni publié, mais il a commencé sa vie propre. Ce n’est plus une partie de moi (si ça l’a jamais été).

J’ai assez souffert pour le mettre au monde, je ne veux plus souffrir. J’ai deux choix pour ça. Le donner à quelqu’un d’autre qui s’en occupera mieux que moi (je suis une mauvaise mère, même pour mes textes !), soit je le cache dans le congélateur où il finira par mourir et je l’oublierai.

Hé hop ! Un bébé dans le congélo !

Le premier cas, c’est sûr, je vais encore souffrir (moins, mais quand même : angoisse, peur, satisfaction aussi… mais c’est pas toujours gai à vivre) mais il faut encore faire des efforts, avoir du courage… Parce que c’est encore un bébé et qu’il a besoin de grandir.

Dans le second, c’est criminel (oui, même pour un texte, et un manque de respect pour les quelques bêta-lecteurs qui ont sacrifié du temps pour nous aider) mais tellement plus facile ! Laisser le froid prendre et l’oubli s’installer. On ne souffre pas, on n’éprouve rien en fait, c’est comme si une parenthèse se refermait.

J’ai toujours eu tendance à préférer la facilité, je n’ai jamais été courageuse… Désolée.


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