Je me suis donc rendu aux urnes. Pourquoi ce pluriel d’ailleurs, il n’y en avait qu’une seule dans le bureau de vote. Et pas bien pleine. Il est vrai que je n’ai pas attendu la fin de journée pour aller accomplir mon devoir de citoyen. Il est vrai aussi que le choix offert aux électeurs n’était guère enthousiasmant : il fallait choisir entre un candidat officiellement soutenu par son parti et un dissident en conflit avec le potentat local. Triste choix pour l’électeur qui ne partage en rien les opinions de ces deux candidats. Mais au moins avons-nous évité une lutte fratricide entre l’un de ces deux là et leur vilain cousin. Si une telle opposition s’était offerte à moi, j’aurais tout de même été voter mais c’est une enveloppe vide que j’aurais glissé dans l’urne.
Car il fallait aller voter. Peu importe que le rôle de ces conseillers généraux soit mal connu, peu importe même s’ils sont, comme certains veulent le dire, parfaitement inutiles. Les citoyens français étaient invités à s’exprimer et beaucoup ne l’ont pas fait.
Certes, ils ont des excuses. Et la première d’entre elles est le peu de bonne volonté des autorités à faire savoir que cette élection existait. Sans doute s’agissait-il d’un calcul visant à minimiser l’échec électoral annoncé. Cette manœuvre est lamentable.
Mais tout de même, comment peut-on ainsi négliger un droit pour lequel, en ce moment même, on se fait tuer ou estropier ailleurs dans le monde. En Libye, on meurt pour avoir simplement le droit de contester le tyran en place. En Côte d’Ivoire, on s’entretue pour que les politiciens cessent de vouloir imposer, par l’intimidation armée avant les élections ou par le coup de force après, un résultat à leur peuple.
Mais chez nous, on s’abstient. A ce rythme, nous nous réveillerons un jour avec un pouvoir qui sortira de ces urnes désertées et décidera de les supprimer. Il sera trop tard pour se plaindre.