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L'incroyable destin de Clarisse Manzon (16)

Publié le 29 mars 2011 par Mazet

Episode 16 : Les confessions de la dame en noir.

J’avais trouvé la journée bien longue. Je l’avais occupée en rédigeant deux feuillets pour la « Gazette ».  Les courriers, que je recevais régulièrement de mon patron ; m’indiquaient que les lecteurs parisiens étaient friands de mes récits et demandaient toujours plus de détails.  La « Gazette » faisait chaque jour de nouveaux adeptes, les recettes étaient à la hausse. Ce qui n’empêchait pas, mon cher directeur de me régler irrégulièrement mes piges. Heureusement que mon ami Blaise me logeait gracieusement. Mon rendez-vous était pour vingt heures, j’avais pris la précaution d’avertir Blaise de ma sortie, en me gardant bien de lui en donner la vraie réponse. Il était, bien sûr, persuadé que j’avais un rendez-vous galant avec la belle Clarisse. D’ailleurs, lorsque je mis mon chapeau et m’apprêtait à partir, il ne put se garder de me mettre en garde une nouvelle fois.

   - Sois prudent, le lieutenant Clémandot est un homme sanguin, doublé d’une fine lame.

Lorsque je quittai la librairie, le jour était encore vaillant. Les quelques Ruthénois, qui maintenant me reconnaissaient, me saluèrent.  Je fis un tour jusqu’au bord de l’Aveyron en attendant l’heure fatidique. Comme 8 heures approchaient, le crépuscule s’installa lentement et je me glissai jusqu’à la cathédrale. Même, si j’affichais mon athéisme, la majesté du lieu totalement silencieux me donna des frissons dans le dos. Je trouvai, sans peine, le confessionnal indiqué et fidèle aux instructions de Clarisse, je m’installai en lieu et place du confesseur. Je ne patientais pas plus de cinq minutes. J’entendis le léger grincement produit par la personne qui s’agenouillait. Il était convenu que je ne chercherai pas à voir le visage de cette mystérieuse messagère, je ne tirais donc point la grille. Une voix à peine audible m’interpella

   - Vous êtes bien Monsieur Alvergnat ?

   - Comment voulez-vous que je vous le prouve si vous ne voulez point vous montrer !

   - C’est juste, je suis donc tenue de vous faire confiance.

   - Mais, si vous êtes l’envoyée de Clarisse, vous le savez.

   - Oui, elle m’a dit tout le bien qu’elle pensait de vous.

   - Vous l’en remercierez, je saurais me montrer digne de sa confiance.

   - Elle m’a conseillé de venir vous parler. A l’entendre, vous êtes le seul à pouvoir m’écouter sans me juger.

   - Je vous écoute.

   - Ce que j’ai à dire n’est pas un aveu facile.

Je me prenais de plus en plus pour un confesseur.

   - Vous pouvez me parler sans crainte.

   - Vous savez qu’il courre en ville un bruit de plus de plus insistant ?

   - Ils en courent tellement !

   - Oui, mais celui-ci est vrai. Il se murmure qu’une jeune femme se trouvait à l’intérieur de la maison Bancal au moment du crime. Et bien, cela est vrai, puisque  c’était moi !

   - Comment vous avez assisté à cet horrible drame ? Comment cela s’est-il passé ?

   - Je dois vous dire que je loge chez une dame extrêmement susceptible et qui a le tort de croire qu’il faut nécessairement avoir des mœurs. Elle aurait difficilement supporté les visites nocturnes d’un galant.

   - C’est la raison de votre présence dans la maison Bancal ?

   - Oui, j’avais coutume d’y retrouver un jeune de la campagne, au corps fort bien fait et à l’esprit joliment tourné.

   - Ce n’était pas un endroit particulièrement propice à la galanterie.

   - C’est vrai, mais c’est un endroit particulièrement discret, et fort utile lorsque les deux personnes ne sont pas libres.

   - Je comprends. Alors que s’est-il passé ce fameux soir ?

   - J’attendais mon galant dans la chambre qui nous était réservée, lorsque j’ai entendu le bruit d’un grand tumulte. Je me suis précipitée, il faisait presque noir. Un homme immense m’a saisie par la taille et m’a enfermée dans une sorte de cachot.

   - Vous êtes restée longtemps.

   - Je ne saurais le dire, tant j’étais terrifiée.

   - Alors vous n’avez rien vu ?

   - Non, mais j’ai bien vu que la maison avait été bouleversée. D’ailleurs, l’homme, qui,  je pense, m’a menacée,  s’est écriée «  Vous ne croyez pas qu’il faudrait lui régler son compte à cette petite grue ? ». Je dois le dire, c’est la mère Bancal qui m’a sauvée.

   - Vous vous êtes engagée au silence ?

   - C’est cela Monsieur. Mais, depuis ce fameux soir, je fais d’horribles cauchemars.

   - Mais vous n’avez pas vu les participants à cette horrible affaire.

   - Je ne peux le dire,  Monsieur, je suis tenue au secret. Mais tôt ou tard, je payerai mon imprudence, je le sais. Que dois-je faire Monsieur ?

   - Surtout, continuez à garder le silence, il en va de votre vie. Si vous pouviez vous retirer quelque temps de la ville !

   - Impossible, Monsieur, que deviendrait mon amoureux ?


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