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(9) Escale à Hermopolis

Publié le 31 mars 2011 par Luisagallerini
Dimanche 8 mars 1863, 11h50 du soir
Médaille de Jean CalvinÀ cette dernière question, que je soumis de façon détournée à Madame Gallerini, j’obtins une réponse immédiate. L’une des deux reliques était fausse. Calvin, pour illustrer la théorie de la multiplication des reliques, avait localisé deux prépuces du Christ et dénombré pour certains saints tant de reliques que l’on pouvait, en les assemblant, reconstituer plusieurs dépouilles. Madame Gallerini ne voyage pas avec le controversé Traité des reliques, mais, oh miracle ! avec le Dictionnaire critique des reliques de Calvin.
Voici l’extrait Dictionnaire critique des reliques et des images miraculeuses - Traité des reliques - Traité des saintes reliques, par Collin de Plancy, Jacques-Auguste-Simon - Calvin - Cordemoy, abbé de, Paris, tome II, 1821, Guien & compagnie Libraires, p190-191. concernant saint Matthieu :
Mathieu, apôtre, puis évangéliste. On croit qu’il mourut en Éthiopie ou chez les Parthes. On voit dans saint Paulin de Nole que les Parthes possédaient au cinquième siècle le corps de saint Mathieu. Mais, dans le siècle suivant, Fortunat de Poitiers compte un second corps du même saint, qu’il place à Naddaver, lieu dont on cherche encore aujourd’hui la situation.
Dans le même siècle, des marchands vendirent à saint Pol, évêque de Léon en Bretagne, un troisième corps de saint Mathieu. Ils l’avaient acheté en Égypte, disaient-ils, à des marchands qui l’apportaient d’Éthiopie. Ce corps est perdu sans doute ; mais la tête se montre peut-être encore à Brest, où elle fut transportée par la suite.
Un quatrième corps de saint Mathieu fut apporté en Italie au dixième siècle, et déposé à Salerne, au royaume de Naples ; on lui éleva une église magnifique.
Saint Mathieu avait une cinquième tête à Beauvais, une sixième à Chartres, une septième à l’abbaye de Rogevaux au diocèse de Toùl. On vénère encore au monastère des Apôtres, en Arménie, une huitième tête et un cinquième corps de saint Mathieu, qui a aussi une onzième jambe à Saint-Marc de Venise, un onzième bras à Rome, dans l’église de Saint-Marcel, un douzième dans l’église de Saint-Marie-Majeure, etc., etc.
Nous ne parlons pas d’une multitude de reliques peu importantes, comme la côte que l’on voit à Rome dans l’église Saint-Nicolas in Carcere, les trois doigts qu’on possède à l’Escurial, etc.
À l’aube, nous accostâmes à Hermopolis sous une pluie diluvienne. Prévoyante, Madame Gallerini, que je retrouvai sur le pont, m’accueillit sous un grand parapluie aux robustes baleines. Quand je lui demandai où était son oncle, elle eut un étrange sourire. Souffrant, il la confiait à mes soins. Je ne pus réprimer ma joie à cette formidable nouvelle : nous allions, pour la première fois, faire escale seules ! Le cœur léger, je lui offris mon bras et nous franchîmes en patinant la passerelle jusqu’à la terre noire d’Égypte, transformée en boue par les torrents d’eau qui roulaient dans la poussière et hachuraient l’horizon.
Le temps de rejoindre les rues d’Hermopolis, nous étions littéralement trempées. Dans l’artère principale, nous avisâmes un café aux murs de terre séchée, coiffé d’un toit en roseaux qui semblait assez fourni pour assurer une étanchéité providentielle. Nous nous réfugiâmes dans cet antre béni et partageâmes un thé à la menthe à l’abri du déluge. À la table voisine, trois turcs se disputaient et ne prêtaient nullement attention à notre présence. Un fellah déguenillé déambulait de tablée en tablée, versant tantôt un thé fumant, préparant tantôt l’eau et le tabac humide pour le narguilé. Impatientes, nous attendîmes dans la petite pièce enfumée que le firmament se montrât plus clément.
Hermopolis
A suivre...

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