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Sauver Yopougon

Publié le 31 mars 2011 par Addiction2010
 

Après la reprise de la publication de l’objet initial de ce blog, il est temps de revenir aussi aux billets qui étaient devenus sa nouvelle raison d’être. L’un n’empêchera pas l’autre.

Aujourd’hui, la Cote d’Ivoire est à un tournant de son histoire et nous autres français n’avons vraiment pas lieu d’être fiers du rôle que notre pays, par l’intermédiaire de ceux qui le représentent, a joué dans la dégradation de la situation. Bien sûr, je suis en désaccord avec la politique sarkozyste, que ce soit en France ou à l’étranger. Je trouve répugnante l’intervention à contre temps en Libye poussée par quelqu’un qui a entretenu des liens scabreux avec Kadhafi et l’a reçu avec une pompe inutile il n’y a pas si longtemps. Revenons à la Côte d’Ivoire.

C’est un pouvoir illégitime qui, n’en doutons plus, va bientôt s’imposer par les armes. Certes, celui qui va être chassé n’a pas plus de légitimité et les renvoyer dos à dos n’apporte pas de solution. Pourtant, il faut bien comprendre que si on en est là, c’est d’abord parce qu’un coup d’état, une guerre civile même a été commandité par ceux qui vont prendre le pouvoir demain. Ces évènements datent de 2002 et ils sont eux même la conséquence de l’absurde manipulation xénophobe imaginée par les amis de l’ancien président Konan-Bédié, fils spirituel de feu FHB (Felix Houphouet-Boigny), renversé par le premier coup d’état réussi de l’histoire de la Côte d’Ivoire. Pour écarter de l’accès au pouvoir le dernier premier ministre du Vieux (FHB), ils ont inventé des lois obligeant tout prétendant à la magistrature suprême à prouver sa nationalité et celle de ses parents. Quant on sait combien, dans ce pays, il était courant de modifier l’état civil, combien il était courant de déclarer à posteriori des naissances, parfois des décennies plus tard, combien il est encore courant pour les moins jeunes d’avoir pour date de naissance un « né vers », on comprend qu’une telle exigence est absurde, non seulement par sa nature mais aussi par l’impossibilité technique de la mettre en œuvre.

Bizarrement, lors du simulacre d’élection organisé l’automne dernier, Konan-Bédié s’est retrouvé allié de son ancien rival Alassane Ouattara. Sans doute se sont ils aperçus qu’ils défendaient en réalité les mêmes intérêts. Konan-Bédié, lors de sa présidence, a pillé le pays qu’il a transformé en vache à lait de son clan familial rapproché, ce que jamais FHB n’avait fait, lui qui avait l’habilité de se choisir des vassaux dans toutes les composantes de la société, qu’elles fussent ethniques ou religieuses. La vraie grande faute du Vieux fut de ne pas organiser sa succession et de ne pas apprendre à ses compatriotes le jeu démocratique.

On voit bien que la situation actuelle a des causes anciennes. Il n’est pas possible de les exposer en quelques lignes et des ouvrages entiers n’y suffiraient sans doute pas.

Quoi qu’il en soit, la Côte d’Ivoire vit aujourd’hui un épisode tragique. Peu importe en réalité que l’un ou l’autre des deux présidents soit légitime. Et peu importe qu’aucun ne le soit. La communauté internationale a imposé des élections sans commencer par mettre en place les conditions qui auraient pu les rendre libre et sincères. Comment peut-on, comme le font le pouvoir et les média français accepter un scrutin à la soviétique dans toute une partie du pays ? Comment peut-on ignorer qu’on a laissé des milices armées contrôler une bonne moitié de la Côte d’Ivoire ? Sans doute ceux qui aujourd’hui préfèrent regarder cela avec des œillères sont-ils les porte-parole des intérêts qui supportent aussi Alassane Ouattara.

Est-ce une raison pour supporter une guerre civile menée par un armée où on a enrôlé tous les voyous disponibles, où on a donné à des gamins excités des kalachnikov dont on peut être certain qu’il ne se sépareront pas facilement quand l’armée rebelle devra se fondre en une armée régulière et structurée.

Depuis des semaines, on nous abreuve de dépêches faisant état de tirs à l’arme lourde sur Abobo, présenté comme fief de Ouattara. Il est vrai qu’on trouve dans ce quartier d’Abidjan une forte proportion de populations originaires des régions du nord de la Côte d’Ivoire et des pays voisins mais il ne faudrait pas croire qu’il n’y a aucune autre ethnie représentée. Comme il ne faudrait pas croire qu’on ne trouve personne à Yopougon, commune souvent présentée elle comme fief de Gbagbo, aucune personne dont le village est voisin d’Odienné ou de Korhogo.

Alors, je vais être moi aussi réducteur. J’ai peur. Oui, j’ai peur de voir les pillards s’abattre sur Yopougon. Et je crains fort que les forces internationales, en principe chargées de s’interposer et de protéger les populations civiles, soient bien incapable d’éviter l’effroyable cortège d’exactions que commettent souvent les armées qui se présentent comme libératrices mais sont composées de gamins n’obéissant qu’à eux-mêmes et à leurs instincts les plus vils.

Laurent Gbagbo n’est pas un imbécile. Il sait bien que la bataille est perdue et qu’il ne peut vaincre militairement un adversaire lourdement armé et qui bénéficie de soutiens riches et puissants. Il n’a plus d’autre choix que de quitter le pouvoir, ce qui ne l’oblige en rien à reconnaître la légitimité de Ouattara.

Mais il ne faut pas que les milices rebelles entrent dans Abidjan. D’autant que la géographie étant ce qu’elle est, Yopougon serait l’un des premiers quartiers envahi. Et pillé, je n’en doute pas un instant. Il faut que les forces des Nations Unis bloquent l’accès à Abidjan et organisent le départ de Gbagbo car Ouattara sera incapable d’arrêter ses troupes. Et qui sait si elles n’iraient pas porter Soro au pouvoir ?

Alors, se trouvera-t-il une volonté politique, à l’hôtel du golf, à l’Elysée ou à la Maison Blanche, pour éviter un massacre qui mettrait durablement la Côte d’Ivoire hors du chemin de la paix ?

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Au bon vieux temps d'Houphouet


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