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Franco Fortini | Il presente

Publié le 02 avril 2011 par Angèle Paoli
«  Poésie d'un jour


A il sole dentre l acqua
Ph., G.AdC

IL PRESENTE

Guardo le acque e le canne
di un braccio di fiume e il sole
dentro l’acqua.

Guardavo, ero ma sono.
La melma si asciuga fra le radici.
Il mio verbo è al presente.
Questo mondo residuo d’incendi
vuole esistere.
  Insetti tendono
trappole lunghe millenni.
Le effimere sfumano. Si sfanno
impresse nel dolce vento d’Arcadia.
Attraversa il fiume una barca.
E’ un servo del vescovo Baudo.
Va tra la paglia d’una capanna
sfogliata sotto molte lune.
Detto la mia legge ironica
alle foglie che ronzano, al trasvolo
nervoso del drago-cervo.
Confido alle canne false eterne
la grande strategia da Yenan allo Hopei.
Seguo il segno che una mano armata incide
sulla scorza del pino
e prepara il fuoco dell’ambra dove starò visibile.


B sur l ecorce du pin

Ph., G.AdC

LE PRÉSENT

Je regarde les eaux et les cannes
d’un bras de fleuve et le soleil
dans l’eau.

Je regardais, j’étais mais je suis.
La vase sèche entre les racines.
Mon verbe est au présent.
Ce monde, reste d’incendies,
veut exister.
  Des insectes tendent
des pièges longs comme des millénaires.
Les éphémères se dissipent. Se défont
gravés dans le doux vent d’Arcadie.
Une barque traverse le fleuve.
C’est un serf de l’évêque Baudus.1
Il franchit la paille d’une cabane
effritée sous maintes lunes.
Je dicte ma loi ironique
aux feuilles qui bourdonnent, au vol
nerveux du dragon-volant.
Je confie aux cannes fausses éternelles
la grande stratégie du Yenan jusqu’à l’Hopeï. 2
Je lis le signe qu’une main armée grave
sur l’écorce du pin,
elle prépare le feu de l’ambre où je resterai visible.


1.Baudus : évêque imaginaire du Moyen Âge.
2. Marche des armées révolutionnaires chinoises de Yenan à Pékin (1936).


Franco Fortini, Ce mur (1962-1972) [Questo muro, Mondadori, Milano, 1973], in Une fois pour toutes*, Poésie 1938-1985, éditions fédérop, 1986, pp. 78-79. Poème traduit de l’italien par Bernard Simeone.


* Note d’AP : recueil composé de Una volta per sempre, 1938-1973, Einaudi, Torino, 1978 et de Paesaggio con serpente, 1973-1983, Einaudi, Torino, 1984, et de trois inédits.



FRANCO FORTINI

Vignette FRANCO FORTINI

Source

  D’origine juive par son père, Franco Fortini ― Franco Lattes de son vrai nom, Fortini étant le patronyme de sa mère, de religion catholique ―, naît à Florence le 10 septembre 1917. Diplômé en droit et en lettres, il travaille dans le département publicitaire d’Olivetti à Milan de 1949 à 1953. Il devient par la suite conseiller éditorial d’Einaudi à Turin, puis enseigne dans diverses écoles supérieures avant d’occuper, à partir de 1971, une chaire d’Histoire de la critique littéraire à l’Université de Sienne. Il participe à l’élaboration de nombreuses revues parmi lesquelles Il Politecnico ― en collaboration avec Elio Vittorini ―, la revue européenne Arguments ― en collaboration avec Edgar Morin et Roland Barthes ―, Officina, Quaderni piacentini, Ragionamenti et Paragone. Il écrit également dans divers quotidiens de la presse italienne. Fortini est aussi reconnu comme traducteur de Proust, Eluard, Brecht (que Fortini a été le premier à traduire), Goethe, Flaubert, Gide et Simone Weil.
  Franco Fortini est mort à Milan le 28 novembre 1994.

   Franco Fortini est l’auteur d’une œuvre importante qui comporte des récits, des essais et de nombreux recueils poétiques : Foglio di via e altri versi (1946), Una facile allegoria (1954), Poesia e errore 1938-1957 (1959), Una volta per sempre (1963 ; rééd. 1978), L’ospite ingrato, testi e note per versi ironici (1966), Questo muro 1962-1972 (1973), Il ladro di ciliege e altre versioni di poesia (1982), Paesaggio con serpente 1973-1983 (1984).

■ Voir aussi ▼

→ (dans Les Carnets d'Eucharis de Nathalie Riera) d'autres poèmes extraits du recueil ci-dessus
→ le site des éditions fédérop
→ (sur wikipedia.it) le très riche article (en italien) consacré à Franco Fortini



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