S’il est un ouvrage qui permet toutes les facilités c’est hélas Rigoletto. Ce monde des faibles et des puissants, des trompeurs et des trompés, des séducteurs et des séduits demande une autre approche, une autre vision que cette illustration à l’indéniable modern-touch avec ses éclairages étudiés, son atmosphère morbide très "Rue sans Joie" de Pabst et, cerise sur le gâteau, un bossu qui n’en est pas un.
Une conception donc entre gris-clair et gris-foncé donc, qui permet au vétéran Lado Ataneli (annoncé comme souffrant) de se tailler un joli succès dans le rôle titre. Le baryton géorgien concentre dans son personnage toute l’intensité dramatique de l’œuvre. Démarche, mimique, gestuelle se fondent pour tisser un impalpable lien du physique au spirituel. A son actif également aucune charge dans le grotesque ni dans les larmes.
Prise de rôle réussie pour la sympathique Nathalie Manfrino qui décape totalement le rôle de Gilda. Voix généreuse, contrôle absolu du souffle, tonus vocal étonnant (joli contre-mi un rien court mais jamais acide). On y voit tellement de sopranos immatures ou de Castafiore pyrotechniciennes que cette Gilda, séduisante aussi dans sa fragilité, emporte l’adhésion la plus complète.
Stefano Secco déborde de vaillance étudiée avec un Duc de Mantoue en bon père de famille cynique et jouisseur jusqu’à la moelle de l’os, mêlant par petites touches une ambiguïté toute d’ironie.
Parmi les rôles secondaires, l’on peut souligner le sonore et noble Monterone de Luciano Montanaro et le Sparafucile de Deyan Vatchkov imposant dans son rôle de tueur blasé. Marie-Ange Todorovitch, prête somptueusement des accents lascifs à une troublante Maddalena à l’érotisme torride qui s’accorde à merveille à ce monde maléfique de tromperie, duperie, volerie, tuerie.
Dans la fosse, Giuliano Carella dirige son monde, orchestre et chœurs avec bonne conscience, bouscule parfois les tempis, mais tout cela avec brio, ferveur et le souffle d’un chef italien qui n’en est pas à son premier Verdi.
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