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Chapitre 1

Publié le 13 janvier 2008 par Val Cousin
Bonjour à tous et toutes,
Voici (enfin) le premier chapitre de mon roman. J'attends vos impressions avec impatience !
CHAPITRE 1


La forêt qui longeait la grande autoroute n’avait rien d’extraordinaire. Nous étions en automne, l‘hiver pointait doucement son nez et les arbres se couvraient peu à peu de givre.



Le spectacle aurait pu être tout à fait charmant, mais il n‘en était rien.
Il s'agissait d'un bois commun, malheureusement encadré par une décharge sauvage vomissant, depuis des années déjà, des nuées de sacs plastiques, couches-culottes et divers autres bouts de papier gras en tout genre, dans une mare aux eaux boueuses infestée de moustiques.
 



Un lieu où la vague odeur de pourriture et de liquide croupi qui émanait de l’amas d’ordures et de la nappe d’eau allait de pair avec le bruit incessant des voitures circulant à grande vitesse.



Il y avait donc bien des raisons valables pour un humain de laisser ce carré de verdure à l’abandon. Il en existait aussi d’autres bien moins nobles et avouables. Cet endroit fichait la frousse, tout simplement.



Il n’était pas question d’arbres biscornus, de chants étranges ou d'autres bizarreries suffisantes à provoquer des hurlements d’effroi chez un promeneur égaré.
Seulement, le fouillis de sapins et de chêne abritait un monde à la fois trop grand et trop petit. Un univers où les créatures pouvaient très bien mesurer la taille d’une noisette comme celle d’une montagne.



Voilà les nombreuses causes qui expliquaient que l’on n’avait pas vu l’ombre d’un homme dans les parages depuis bien des années.



La vie s’écoulait donc plutôt paisiblement entre les allées et venues des voitures et celles des insectes en recherche de chair fraîche.
Les grandes libellules écarlates qui vrombissaient au-dessus des eaux boueuses de la mare appartenaient à ce genre de bête constamment à la recherche de nourriture venant, à cette époque-là de l'année, chasser jusque dans le bois.
 



Ce fut sous le cinquante-deuxième chêne de la forêt que l’une d’entre elles trouva quelque chose à se mettre « sous la dent » . Une toute petite chose d’allure humaine qui se tenait là tranquillement assise en train de griffonner un dessin sur un calepin de papier cartonné.
L’insecte sentit tout de suite la chaleur qui émanait du minuscule corps tendre et vrombit d’excitation à l’idée du sang frais coulant dans son jabot.



La proie lança aussitôt un regard au-dessus d‘elle, se relevant, terrorisée, pour aller se plaquer contre l’arbre le plus proche. Elle ferma les yeux aussi fort qu’elle le pouvait.




Je suis morte ! pensa-t-elle.




La libellule hésita avant de se poser sur une branche.
Elle semblait examiner la bête qu’elle venait de débusquer.



Nul doute qu’elle n’en avait pas mangé souvent et ce fut peut-être pour cette raison qu’elle se retint de se jeter tous crocs devant sur la minuscule « humaine ».
Guidé par la faim, l’insecte ignorait qu’il était lui-même au menu d’un prédateur qui le guettait depuis la branche du dessus.
La petite « humaine » quant à elle rouvrit les yeux et distingua parfaitement le sifflement de serpent sinistre émis par la grande dévoreuse verte.
Pitié, mange-la elle ! Pas moi ! Elle est plus grosse ! Je suis encore trop jeune !



La libellule agita ses grandes ailes, décidée finalement à faire bombance, quand dans un éclair émeraude, elle se retrouva comme un matelas d’appoint à la fin des vacances : pliée entre deux pinces puissantes.



Elle eut le temps de frémir une dernière fois avant que son bourreau ne lui arrache la tête.
Beurk ! C’est dégoûtant !
La petite « humaine » tira la langue en faisant une grimace des plus comiques, puis la ravala aussitôt de peur de se la faire gober par la mante religieuse qui maintenant la fixait avec insistance.



Elle montra du doigt la libellule inerte, semblant vouloir rappeler à la grande dame verte qu’elle avait déjà de quoi se nourrir.
La mante relâcha alors la libellule. La petite chose cessa de lui faire des signes et referma les yeux.
C’est pas vrai ! Tu es trop bête ! Pourquoi tu ne t’es pas enfuie?
Parce que les mantes religieuses ne chassent que des proies vivantes.
Elle ne savait pas trop d’où elle tenait cette information, pourtant aussitôt elle se raidit et tomba sur le côté en laissant pendre sa langue d'entre ses dents.



L’effet fut immédiat, l’insecte saisit la tête de la libellule et commença à la grignoter en émettant un sifflement de contentement.
La minuscule « humaine » ouvrit très doucement les yeux. La mante religieuse suçait les globes oculaires de sa proie.
Doucement elle se releva, empoigna tant bien que mal la bandoulière de son sac et s’éloigna, tous muscles tendus, de pas chassé en pas chassé.
Je suis vivante !
Elle fit demi-tour aussi impeccablement qu’un soldat, et s’enfuit en hurlant de toutes ses forces, un tintement joyeux accompagnant sa course. Tout en courant, elle repensa au monstre vert.
C’est en ça que je me déguiserai pour le prochain carnaval !



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