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Jour 54

Publié le 05 avril 2011 par Miimii
Jour 54

En général, les gens me font confiance. J’ai l’air de cette fille à qui on peut parler, et à qui on peut se confier. Et effectivement, je suis le genre à taire ce qu’on m’a raconté et même à l’oublier pour ne pas avoir la tentation de le répéter. Oublier renforce le sens du secret.

Je suis une boîte à problèmes et à chagrin, j’ai eu le temps d’analyser et de suivre chaque personne qui est venue se confier à moi et d’en tirer des leçons. Ce qui fait que par procuration j’ai acquis beaucoup d’expérience.

Malheureusement, dans cette société ou tout se dit et où rien ne cache, on est poussé à jouer un rôle pour cacher ce que nous vivons réellement. J’étais à l’école primaire quand mes parents sont devenus un couple adultère.

J’ai eu à cacher beaucoup de secrets depuis mon plus jeune, âge. C’était le genre de secrets qu’il fallait oublier pour pouvoir continuer à vivre, car si je les garde en tête leur pouvoir va en s’accroissant et en me faisant régresser un peu plus chaque jour.

L’été Maman nous emmenait en vacances dans notre appartement de Kantaoui. Nous ne sommes pas originaires de Sousse mais une partie de notre famille par alliance, l'est. Toute la famille se rejoignait et nous passions deux semaines de rêves.

Notre famille maternelle a toujours été aisée mais mon père ne s’alignait pas à la richesse familiale, alors il se tuait à la tâche pour être au niveau de ce qui ma mère lui a toujours reproché.

Cet été là, il prétextait beaucoup de travail sur son nouveau projet, pour esquiver les vacances à la Mer où mon oncle (celui du vignoble de Mornag) s’extasierait comme d'habitude, de ses possessions chaque jour jusqu’à la fin de l’après midi, où après bon nombre de bières et de soleil qui lui tape sur le crâne, il avouera que finalement, il est très malheureux.

Mon père restait dans notre propriété, où entouré du personnel de la maison, recevait chaque soir ses potes de beuverie. Et finissait par déraper...

Ma mère, était honnête, stable et tellement snob, qu’entourée de ses frères et sœurs, elle se baladait comme si les lieux nous appartenaient. Elle ne parlait à personne, elle aimait mon père, était très fière de lui, et même si elle lui mettait une pression monumentale, voulait le pousser au sommet, elle le voyait meilleur que qui que ce soit sur cette Terre.

J’étais encore cette enfant qui au CM2, racontait à ses copains de classe à quel point ses parents s’aimaient et se faisaient des bisous. Mais cette été là, ..., avait tout changé, ça m’a fait mûrir de 10 ans.

Nous sommes rentrés de vacances, mon grand frère Selim et moi étions les plus conscients, les deux autres, étaient trop petits. On savait que Maman était un peu colère contre Papa, parce qu'il dit qu’il nous rejoindrait les week ends, mais qui ne l’a pas fait, et qui plus est, a diminué la fréquence de ses appels vers la fin du séjour.

L’ambiance entre nos parents étaient tendue, je voyais dans les yeux de ma mère qu’elle-même ne comprenait pas son attitude à lui, elle le connaissait si bien.

Quelques jours plus tard, notre gouvernante, celle qui nous avait élevés Selim et moi, nous fait une révélation et nous a convertis à une vraie dictature. Elle nous a montré les preuves que notre père avait trompé notre mère. Un drap, avec des quelques poils noirs ,un long cheveu blond avec une racine brune, et un verre à pied cassé. Elle nous présentait son trésor avec un regard diabolique. Comme si elle disait, vous qui idéalisez votre père, voilà ce qu’il fait dans votre dos.

Quant à votre mère, elle se sentira moins supérieure maintenant, et elle a intérêt à moins faire la loi.

Elle regarde Selim et elle lui dit « C’est dans ton lit qu’il a fait ça, il n’a même pas eu de respect pour toi. »

Mon frère entre dans une colère noire, il avait 12-13 ans tout au plus, il la traite de menteuse.Elle ne s'est pas arrêtée la et a appelé le chauffeur, qui a appuyé ses dires en disant que mon père avait fait sortir cette femme de la maison à 7h du matin avant que le personnel n'arrive, et que les chiens l’avaient grillé en aboyant.

J’étais muette, collée à mon frère et tellement dégoûtée par ce qu’on me racontait. Je ne trouvais pas les mots. Mon frère, plus courageux, hurle « Sortez de chez nous, vous voulez nous faire peur quand notre mère n’est pas là, mais je vais tout lui dire quand elle va revenir. »

Chez nous, le personnel avait très peur de ma mère, elle est très autoritaire, et la vie humaine avait peu d’intérêt pour elle. Ellle calculait toujours ce qu’une personne pouvait lui apporter avant de décider de l’attitude à avoir avec elle.

Et la gouvernante reprend : « Nous avons pensé à lui dire, parce que tous les deux nous ne voulons pas travailler dans un endroit où règne le pêché, mais on s’est dit que ta mère n’est pas une mauvaise personne, et qu’il n’était pas recommandé de ne pas lui dire pour ne pas lui faire mal. Elle risque de beaucoup souffrir et peut être même qu’elle décidera de divorcer de votre père, ou encore votre père risque de partir avec la femme qui a passé la nuit ici. Heureusement que je suis là, sinon vous risquez de vous retrouver à la rue mes enfants. »

C’est tout ce dont je me rappelle de cette discussion.

Mais mon frère et moi, nous avons vécu l’horreur, se retrouver dans un même merdier, avec un secret qu’on ne peut que taire pour ne pas briser notre propre famille. Un père qu’on n’ose même plus regarder dans les yeux, et du personnel qui nous menace sans arrêt de tout dire à notre mère.

Nous n’avons jamais été aussi proches, nous nous regardions dès qu’une allusion était faite sur la confiance, l’amour, la relation entre les parents et les enfants. Nos parents se sont transformés en imposteurs, et nous n’avions plus confiance en eux. Je détestais mon père et j’ai gardé ce sentiment de dégoût pendant très longtemps. Mon frère quant à lui, a pris une distance jusqu’à ce jour. Tous les deux, on a partagé la haine, la colère et l’incompréhension de parents qui ont pu nous faire aussi mal.

Ma mère ? Ce qu’elle a à voir ? Elle n’est pas victime, elle a toujours été tyrannique et méprisante... elle a toujours le mot dur et blessant. Mon père quant à lui, il avait besoin de réconfort, par moment on se demandait comment il pouvait la supporter. Il avait toujours les bons mots pour nous calmer, nous remettre sur le droit chemin, en nous rappelant que c’est notre mère et qu’on l’aime.

Pourquoi il ne s’est pas dit ça avant de baiser une autre dans le lit de son fils ? Pourquoi continue-t-il de faire comme si de rien n’était, pourquoi continuer à nous donner des leçons alors qu’il est le Roi des menteurs ? Pourquoi il continue à commencer ses phrases de morale par « votre mère et moi ». J’en ai vomis... de ses bisous et des excès d’autorité de ma mère, qui me faisait de la peine en voulant nous donner des leçons tout en ignorant qu’elle n’est qu’une pauvre cruche cocue.

Un jour au dîner, mon père a raconté à ma mère comment l’un de ses copains N. A (grand homme d’affaires à Tunis) trompe sa femme et que la pauvre, ne s’en doute même pas. Il se vantait presque de pas être avec une telle cruche, ou d'être un tel con qui trompe sa femme. Mon frère et moi, nous sommes immédiatement levés de table, en lançant un regard assassin à notre père. On aurait voulu trouver la force de lui dire, « et toi tu te prends pour un exemple de bien séance, gros con » ?

Une quinzaine de jours plus tard, un dimanche en fin d’après midi, le téléphone sonne chez nous. Nous sommes dehors sur le bord de la piscine, les copains de mon père sont là. Ma mère menait son personnel du bout du doigt pour que tout soit parfait. Quand elle décroche le téléphone, c 'est une des femmes des copains de mon père à l'autre bout du fil, le N.A en question, qui lui demande si son mari est là. Elle répond par l’affirmative, et (je ne l’ai su qu’après) la femme continue « va lui demander si leur soirée chez toi s’est bien passée il y a une vingtaine de jours, quand ils ont ramené des femmes... » Ma mère s’est décomposée... et l’autre continuait : « Ils ont ramené des femmes, et depuis ils continuent de les voir, je ne te raconte ça que parce que j’ai pris le temps de le vérifier, ton mari, le mien et l'autre (elle avait cité le 3ème) ont passé la durée de TES vacances dans la débauche et l’adultère dans ta maison, ma pauvre. J’ai bien réfléchis et je pense me séparer de mon mari. Je n’ai pas supporté la trahison, voilà c’était pour t’informer. A très bientôt j’espère, et si j’ai un conseil à te donner, vire cette pourriture de chez toi, ils n’ont jamais rien apporté de bon. »

Ma mère les larmes aux yeux, reste immobile, et reste pensive, en se demandant si cette bonne femme, qui n’est qu’une connaissance et un acolyte de soirées arrosées pouvait dire la vérité, ou cherchait-elle simplement à foutre la zizanie dans un autre couple, puisque le sien est parti en débris.

Puis, (ce qu’elle dira à sa sœur plus tard), elle se doutait que quelque chose clochait, depuis quelques jours, cette révélation apparaissait comme une évidence.

Elle sort sur la terrasse, les yeux en larmes, mais elle se retient de pleurer, c’est une femme qui veut avoir une image très dure, de femme forte, en société. « Bon, s’il vous plait Messieurs, il faut partir maintenant... J’ai besoin de rester seule avec ma famille. »

Mon père complètement surpris, « Qu’est ce qui te prend ? »

« Je te le dirais dès qu’ils seront partis. »

Et elle nous traîne, tous les quatre, à l’intérieur de la maison, en appelant la nounou des plus petits pour que nous n’assistions pas à la scène. Selim et moi, on se faufile dans le salon et on se cache derrière un rideau, un lieu où on pouvait être aux premières loges.

Mon père : « Qu’est ce qui se passe ? Pourquoi tu fais cette tête ? »

Ma mère : « Je vais cette tête parce qu’en mon absence, tous les trois, vous avez ouvert un bordel chez moi... voilà pourquoi ?! »

Le 3ème : « Qu’est ce que tu racontes ? »

Mon père : « Bon, tu rentres maintenant, on en parlera plus tard. »

Ma mère : « Tu veux finir comme N., sa femme vient de m’appeler et de me raconter que vous étiez en charmante compagnie tous les soirs et qu’elle le quitte pour cette raison, réponds moi, tu veux partir avec lui ? »

Mon père à son ami (le regard coupable jusqu’au cou) : « C’est quoi cette histoire ? »

Bref, ils se prennent la tête pendant un bon quart d’heure, et quand le torchon brûle entre les trois amis, ma mère se retire, et rentre chez elle.

Mon père la rejoint quelques minutes plus tard, après avoir chassé ses amis, et après avoir insulté son ami N..Ils entrent dans leur chambre, et n’en ressortent pas. Avec Selim, nous étions morts d’inquiétude, et nous restions avec les petits pour qu’ils ne se doutent de rien. On échangeait des regards « est ce que nos parents vont se séparer ? »

Maintenant avec l’âge, je sais qu’ils ne se seraient jamais séparés, « qu’en est-t-il du qu’en dira-t-on ? ». Mais qu’ils allaient nous bousiller, quatre enfants qui allaient subir les conséquences d’un adultère et d’une vengeance perpétuelle et tellement discrète, qu’on passera notre vie à entendre « Avec tout ce que tu as, je ne comprends pas comment tu peux dire ne pas être heureuse ? » en pensant "Si tu savais..."

Ce n’est que des années plus tard, après moult consultations psychiatriques, que ma mère a enfin compris ce qui m'arrivait, que d’avoir été persécutée par ma gouvernante, plus affectueuse jusque que là que ma propre mère, et d’avoir porté un lourd secret, et ne pas avoir compris la réaction de mes parents, que tous mes repères se sont embrouillés et que je suis marquée par cet évènement parmi tant d’autres.

Mon frère, est resté renfermé sur lui-même et distant avec mes deux parents jusqu'à quitter la maison, il est revenu ces dernières années pour reprendre l’entreprise familiale et essayer, après s’être reconstruit, loin des siens de renouer avec ses frères et sœurs. Je vois qu’il est plus aisé pour lui d’être le frère de Mehdi ou d'Inès que d’être MON frère. On a mal au quotidien, et se le témoigne du regard mais il est toujours mon allié le plus fidèle dans les mauvaises passes.

Je ne sais pas pourquoi, j’ai fais aujourd’hui cette immersion dans mon passé, mais parfois on me demande pourquoi il existe une telle distance entre ma mère et moi, peut être que certains l’auront compris, par cet incident isolé parmi tant d’autres, qui devient un vrai crime quand il est vécu par un enfant en pleine construction psychique.

Et depuis j'ai le goût du secret, ou plutôt le poids du secret... Je n'ai jamais pu me confier de peur de briser des liens, alors je n'ai pas pour habitude de le faire, mais quand on vient se confier à moi, j'ai tellement peur de briser ces même liens que pour moi, savoir se taire est une grande vertu et forme d'élégance.

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