New York, le 13 septembre 2010. Je m’assois à une table de Central Park West. Le damier noir et blanc m’indique qu’on s’y attable pour jouer aux échecs, et rien d’autre. Ce jeu n’est pas mon fort, mais le type sur lequel je pose mon regard m’a l’air sympathique. Je ne suis pas tous les jours ici alors pourquoi ne pas tenter ma chance. La partie débute lentement. Et sans grandes surprises je récupère les cinq dollars que j’avais posés près de moi. À ceux-ci s’ajoutent les cinq qu’il me doit. Le rythme s’accélère et les enchères aussi. Il gagne la troisième partie et laisse alors se former sur son visage un sourire de satisfaction. Il fait encore beau dans le parc et les badauds sont nombreux. Confortablement installé, je décide de continuer. Les heures s’écoulent et nos gains s’égalisent au fil des parties. La fin de journée approchant, mon compagnon me propose de revenir le lendemain jouer les quelques dollars qu’il me reste. Le 13 septembre 2010 j’acceptai, ravi de voir mon emploi du temps se remplir.
Les retrouvailles furent presque chaleureuses. Aucun de nous deux n’avions véritablement perdu d’argent et se savoir en bonne compagnie nous procurait toujours un sentiment agréable. Afin de pimenter la matinée, nous firent des enjeux plus conséquents. Dès la seconde partie nous misions chacun deux cents dollars. Mais curieusement cette journée se déroula avec le même tempo que la précédente. Nous décidâmes donc de nous retrouver une troisième fois après une bonne nuit de sommeil.
Le complet bien ajusté, les chaussures cirées et le peigne en poche, je retournais donc retrouver mon ami pour une nième partie d’échec. Le jeu débuta par des embrassades. Je lui offris le déjeuner. Pour m’en remercier, je le soupçonne de m’avoir laissé gagner la partie succédant cet agréable moment. Cela faisait longtemps que je ne m’étais pas senti aussi bien que dans ce parc, sur cette chaise, en face de cet homme.
Les jours passèrent et se ressemblèrent. Je finis par prendre la place de Martin, mon ami. C’est désormais moi qui fait dos à la haie et qui invite les passants à venir jouer contre moi. Et je reste à ce jour le seul blanc à gagner ma vie ainsi.
GG