Aujourd’hui, Mr Božanstvo m’a convoqué à son bureau et m’a parlé d’un ton menaçant :
- Stéphane, qu’avez-vous fait à Mlle Picheron, je vous prie ?
- Rien, je vous assure.
- Ah oui ? Alors expliquez-moi pourquoi Mlle Picheron ne fait rien depuis hier. Elle ne répond plus au téléphone et ne travaille même plus. Et que vois-je ? Elle baille aux corneilles et se contente de vous regarder fixement. Pouvez-vous simplement m’expliquer ce qui se passe ?
- Ok, ok, j’avoue, c’est de ma faute. J’ai l’angoisse de la peur blanche, c’est pour ça !
- Pardon ?
- Oui, je suis en train de l’écrire. Je l’ai prise pour muse si vous voulez.
- Emilie Picheron, quel drôle d’idée ! Il n’y a rien de plus fade que cette fille. Ce n’est pas moi qui en aurais fait une héroïne. Dis donc, ça ne doit pas être très drôle, votre roman…
- Oui, je sais et je croyais que cela serait facile. Mais depuis que j’écris sur elle, je sens qu’elle m’échappe. Elle devient autre, elle s’embellit… C’est simple, je ne la maîtrise plus. Je ne sais plus quoi faire de mon personnage…
- Attendez, vous êtes en train de m’expliquer que Mlle Picheron est en statut quo depuis hier parce que vous ne l’écrivez plus, c’est ça ?
- Oui, c’est même pire : j’hésite même à la tuer. J’ai bien peur de trop m’y attacher.
- On nage en plein délire ! Mes consultants sont fous. Je savais déjà qu’ils étaient polyglottes, je me rends compte maintenant qu’ils sont polyréels! Eh bien, écoutez, moi, je m’en fous. Tout ce je sais, c’est que j’ai besoin d’employés qui travaillent pour mon entreprise florissante. Alors, faites quelque chose, parlez-lui ou écrivez-la, mais rendez-moi Mlle Picheron à la réalité de Babelzoo. Ok ?
- Ok, Boss…. Mais, excusez-moi, vous vous trompez, votre boîte s’appelle Tripzou et non Babelzoo…Babelzoo, c’est le nom que je lui donne dans mon roman.
- Stéphane, sortez immédiatement. Il me semble qu’une mission vous attend dehors…