Les bouts de bois de Dieu par Ousmane Sembène

Publié le 25 février 2011 par Busuainn_ezilebay @BusuaInn_Ezile

Ousmane Sembèn

  
Le roman a été publié en 1960, l'année de l'indépendance de la plupart des États ouest africains francophones. Il se déroule sous l'ère coloniale. La 3 ème œuvre du sénégalais Sambène repose sur une vieille tradition de certains pays d'Afrique où par superstition on ne compte pas les personnes vivantes, tout comme on n’indique pas le nombre exact d'enfants que l'on a, afin d'éviter que les esprits malins abrègent leur vie. 



On les désigne par l'euphémisme "les bouts de bois de Dieu", pour éloigner le mauvais sort. C’est ainsi également que les femmes se désignent entre elles dans le roman.
"Ne nous dénombre pas, s'il te plaît, dit la Séni en se levant précipitamment, nous sommes des Bouts-de bois-de-Dieu, tu nous ferais mourir." (p. 301)Inspiré d'un fait réel


Dans ce chef d'œuvre de la littérature africaine, l'auteur s'inspire d'un fait réel : la grève des 20 000 cheminots du Dakar-Niger qui a eu lieu à Dakar et à Bamako, d'octobre 1947 à mars 1948. Ousmane Sembène dévoile les motifs qui ont poussé les cheminots à interrompre le travail durant cinq mois. Ils résultent tous de leur situation de travailleurs Africains. Ils sont désavantagés par rapport à leurs collègues Européens qui jouissent de privilèges sans commune mesure.

Leurs revendications peuvent se résumer en quelques mots: augmentation de salaires, allocations familiales, vacances annuelles, retraites, et droit de créer leur propre syndicat. Ces revendications ont été élaborées à Thiès, "la ville du rail". La ligne de chemin de fer dessert les grandes villes Dakar, Thiès, Bamako et Rufisque, qui deviennent les centres de la rébellion. Dakar est le centre administratif. C'est là que se prennent les décisions importantes. C'est également le siège de l'administration coloniale et des syndicats. Les bouts de bois de dieu offre au regard, une civilisation en mutation, partagée entre attraction et méfiance vis-à-vis de l'occident.

Dédié par l’auteur à ses «frères de syndicat et à tous les syndicalistes et à leurs compagnes dans ce vaste monde», Les bouts de bois de Dieu est un hymne à la fraternité dans les luttes ouvrières et aussi une célébration de la victoire de la solidarité africaine sur l’oppression coloniale. 
Des limites à la fraternité

Cependant le romancier sait aussi voir les failles de cette fraternité et de cette solidarité et il ne manque pas de dénoncer les complicités locales qui contribuent à favoriser ou maintenir l’oppression.Il stigmatise  avec force les prévaricateurs de tous ordres,  en particulier certains chefs religieux et certains commerçants qui jouent au plus juste le jeu de leur intérêt personnel, au détriment de ceux de la collectivité. Ces bouts de bois de Dieu, nous adressent des messages de lutte populaire, de débats, de risques de dérives extrémistes, toujours en veille,  même au sein des causes les plus nobles. 

Ousmane Sembène tisse une toile dont les fils délivrent ce message : « Heureux est celui qui combat sans haine ».

  Ousmane Sembéne, (plus d'info ici) décédé en 2007 a aussi réalisé un court métrage :Borom Sarret, premier film de fiction de l’Afrique francophone sub-saharienne, réalisé en 1963. 


Il a réalisé une douzaine de films parmi les plus connus :' "e Mandat'', ''Xala'', ''Ceddo'', ''Guelwaar'' et ''Camp de Thiaroye'', tourné en 1987, qui retrace le massacre de Tirailleurs sénégalais à Thiaroye, dans la banlieue de Dakar, le matin du 1er décembre 1944 et enfin "Mooladé'' en 2004. Ousmane Sembène est un incontestable pionnier des lettres et du cinéma africain. A (re)découvrir;