Rien ne nous rend mûrs pour la liberté, sinon la liberté elle-même. Cette vérité ne saurait être reconnue, sans doute, par ceux qui ont si souvent usé de cette immaturité comme d'un prétexte pour justifier l'oppression sans fin. mais il me semble qu'elle découle incontestablement de la nature même de l'homme. L'inaptitude à la liberté ne peut venir que d'un manque de force morale et intellectuelle; accroître cette force est le seul moyen de pallier ce manque; mais cela présuppose d'exercer cette force, et cet exercice présuppose la liberté qui éveille l'activité spontanée. Certes, si on relâchait des liens qui ne seraient pas ressentis comme tels par celui qu'ils enchaînent, il est clair que personne n'appellerait cet acte “Donner la liberté”. Mais il n'est pas d'homme au monde – si négligé soit-il par la nature, si dégradé par les circonstances – pour qui cela soit vrai de tous les liens qui l'oppriment. Défaisons-les un à un à mesure que le sentiment de la liberté s'éveille dans le coeur des hommes, et nous hâterons le progrès à chaque étape.