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Gloire et déboires des anciens Prix Goncourt

Publié le 03 février 2008 par Lauravanelcoytte
Mohammed Aïssaoui
21/01/2008 | Mise à jour : 15:56 |
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Treize anciens lauréats du Goncourt publient un livre, cinq, dix, trente ans après avoir obtenu la prestigieuse récompense. Qu'ont-ils fait de leur gloire ?

Il y a trente ans, en 1978, Patrick Modiano décrochait le Goncourt avec Rue des boutiques obscures. En octobre dernier, il a publié Dans le café de la jeunesse perdue. Toute la presse en a parlé. Le livre s'est très bien vendu, près de 100 000 exemplaires. En 1979, la lauréate du Goncourt s'appelait Antonine Maillet; elle l'emportait avec Pélagie-la-Charrette. Caméras et micros se bousculaient à la sortie du restaurant Drouant pour parler de cette femme qui évoquait avec exotisme l'Acadie. Aujourd'hui, la romancière vit toujours au Canada. En France, combien sont-ils à la connaître? Son dernier ouvrage, paru en mars 2007, n'a pas dépassé les 500 exemplaires vendus.

Modiano, Maillet, deux symboles d'un destin après le Goncourt. Treize anciens lauréats du prix, pas moins, publient ces temps-ci un nouveau livre. Que deviennent-ils, après que les projecteurs se sont éteints sur une gloire de quelques mois . Il y a ceux qui n'ont plus rien publié, tel Jean-Jacques Schuhl, le grand silencieux : aucun roman ni essai depuis son prix de l'année 2000. Plus dur, ceux que le Goncourt a «tués». Jean Carrière (Goncourt 1972 avec L'Épervier de Maheux) est décédé en mai 2005. Il ne s'était jamais remis de ce prix. Son livre posthume qui a été publié par Les Presses littéraires, une petite maison d'édition, installée à Saint-Estève (Pyrénées-Orientales), est passé complètement inaperçu. Cet ancien secrétaire de Jean Giono avait tout dit dans Le Prix d'un Goncourt, où il affirmait que la récompense l'avait «dépossédé», «disloqué», et que l'on ne mesurait pas assez «l'ampleur d'un séisme qu'est la consécration dans la vie d'un homme».

Le Goncourt demande des nerfs solides. Car, au lendemain de sa proclamation, il se passe un phénomène curieux: la critique peut se faire plus méchante, voire violente. La gloire suscite agacement, jalousies. C'est un fait que connaissent les auteurs à succès. Éric-Emmanuel Schmitt n'a-t-il pas dit «à 4 000 exemplaires, vous êtes un génie, à 40 000 exemplaires, vous êtes suspect, à 400 000 exemplaires, vous devenez nul»? Pascal Lainé, Goncourt 1974, avait comparé le système des prix à l'élection d'une Miss: belle d'un jour. Lainé, qui avait écrit Sacré Goncourt ! pour… dénoncer le système, n'a jamais réussi à intéresser à nouveau. En fait, l'image des gagnants du Loto est plus juste. Certains se retrouvent déstabilisés face à leur bonne fortune médiatique et financière. Cet aspect psychologique, les jurés du Goncourt s'en soucient. Un éditeur confie qu'avant la proclamation des résultats (son auteur faisait partie de la dernière liste), un membre de jury l'a contacté pour mieux connaître la force mentale de l'écrivain. «Est-ce que le prix ne le bouleversera pas trop?», «Pourra-t-il très vite se remettre à écrire?» étaient quelques-unes des questions qui lui étaient posées… François Nourissier, lorsqu'il était le secrétaire général du prix, affirmait qu'«il faudrait tracer le portrait psychologique du candidat» . Ce n'était pas une boutade, il ajoutait «plus la personnalité est fragile, plus le Goncourt devient un traumatisme». Ce que confirme Nathalie Heinich, sociologue, chercheur au CNRS, qui a étudié ce phénomène. Dans L'Épreuve de la grandeur, prix littéraires et reconnaissance (La Découverte), elle a sondé sept lauréats (Jean Rouaud, Michel Tournier, Andreï Makine, Jacques Chessex, Jean Carrière…) et analysé la façon dont ils ont vécu leur nouvelle célébrité. Le constat est édifiant: la jouissance peut être souffrance; la renommée, la pire des épreuves. Pour passer le cap, Patrick Rambaud, Goncourt 1997, a eu recours à deux conseils: celui de Maurice Druon (Goncourt 1948) et celui de Jean-François Revel. Il raconte que le soir même de son sacre, le premier lui a prodigué des conseils immobiliers et le second intimé l'ordre de s'adjoindre un expert fiscal. Comment s'en sortir? La première méthode est de se remettre vite au travail. C'est de cette façon-là que Van Cauwelaert, Rouaud, Grainville, Rambaud ont passé le cap du succès soudain pour «s'installe». Ensuite, il convient de s'inventer ou de poursuivre d'autres centres d'intérêts. Orsenna s'adonne à la politique et au bateau, Rufin a continué son engagement dans l'action humanitaire : Action contre la faim, avant sa nomination comme ambassadeur au Sénégal. Dernier conseil : ne jamais «cracher dans la soupe». Car cette inélégance (parfois tentante), le milieu littéraire ne la pardonne jamais.

http://www.lefigaro.fr/livres/2008/01/17/03005-20080117ARTFIG00432-gloire-et-deboires-des-anciens-prix-goncourt.php


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